Arrêt de la médiathèque : Catherine Morin Desailly dénonce un acte barbare

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Ci-dessous le communiqué que Catherine Morin-Desailly a diffusé à la presse suite à l’annonce de l’arrêt du chantier de la médiathèque :

« Catherine Morin-Desailly, Sénatrice centriste de la Seine-Maritime et ancienne adjointe à la culture de Rouen (2001-2008), est atterrée de la décision annoncée hier par le nouveau maire de Rouen, Valérie Fourneyron d’arrêter la construction de la Médiathèque régionale.
Attendu depuis près de 20 ans et plusieurs fois ajourné notamment en 1995, le projet d’une Médiathèque d’envergure régionale implantée à Rouen avait pu se concrétiser sous le mandat et l’impulsion de Pierre Albertini et avec le soutien du Ministère de la Culture et de ses services déconcentrés. A la fois grand projet culturel et d’aménagement urbain, cette médiathèque dont la réalisation a été confiée à Rudy Ricciotti, grand prix national d’architecture en 2006, devait regrouper sur près de 9000 m² une offre documentaire extrêmement riche et variée et les supports de communication les plus modernes, tout en s’appuyant sur le réseau des bibliothèques de quartier.
La première pierre a été posée le 20 octobre dernier dans le quartier Grammont, en présence de Véronique Chateney-Dolto, ancienne Directrice régionale des affaires culturelles de Haute Normandie et présidente de l’association des DRAC de France, pour une ouverture au public programmée à l’été 2010. Avec 600 places assises, un auditorium de 100 places, une salle d’exposition de 120 m², 180 000 documents contemporains, 400 000 documents patrimoniaux*, cet équipement n’aurait pas eu d’équivalent entre Rennes et Lille. Il aurait permis d’accueillir et de rendre accessible aux publics de tous les âges et de tous les milieux le livre et la lecture, contribuant ainsi à une démocratisation de la culture.
Implantée au cœur du quartier Grammont en pleine restructuration, la Médiathèque s’ouvrait sur un parc paysager de 25 000 m² dessiné par Jacqueline Osty, déjà ouvert au public depuis 2 ans, et serait devenu un équipement structurant de la ville. Un projet culturel et architectural de grande ambition. S’inscrivant dans l’esprit de la loi SRU, l’implantation d’une Médiathèque à Grammont aurait permis une revalorisation sans précédent de ce quartier et aurait été un vecteur intergénérationnel et de mixité sociale, tout en contribuant au rééquilibrage des deux rives.
Mais la nouvelle municipalité socialiste en a décidé autrement en annonçant du jour au lendemain l’arrêt du chantier alors même qu’après 10 mois, il est très avancé ; le 2ème étage est en cours de réalisation, 10 millions d’euros ont déjà été engagés et la fin des travaux était prévue en décembre 2009.
Cette annonce, faite sans que l’inspection demandée par le nouveau maire au Ministère de la Culture n’ait été achevée, sans qu’elle ne l’ait annoncé dans son programme électoral, sans qu’il n’y ait eu de débat en conseil municipal ni de concertation avec les habitants du quartier, sans que ni le personnel municipal, ni l’architecte, ni l’entreprise n’aient été avertis officieusement ou officiellement, relève d’une décision arbitraire. Le Ministère de la Culture et de la Communication, pourtant 2ème financeur, n’a pas non plus été averti de cette décision.
Le principal argument de Valérie Fourneyron est que cet investissement d’envergure, absorbant la capacité d’investissement de la ville, ne lui permet pas de réaliser son propre programme. Il est vrai que la charge de la ville aurait pu être allégée si elle ne s’était pas acharnée à convaincre la région Haute-Normandie et le département de la Seine-Maritime de ne pas soutenir ce projet pourtant d’intérêt général, ce qui ne s’est vu nulle part ailleurs en France pour un équipement à vocation régionale.
En contradiction avec elle-même, Valérie Fourneyron annonce que ce serait 25 Millions d’euros à ne pas dépenser tout en proposant en substitution la création d’une bibliothèque de quartier supplémentaire et d’une ludothèque en lieu et place de la médiathèque après démolition.
Elle affirme sans véritable fondement et de façon assez incohérente que les finances de la ville sont catastrophiques ce qui est contradiction avec le rapport de la chambre régionale des comptes de décembre 2007 et des indicateurs de l’audit commandé dans la précipitation. Or cette décision va entraîner des charges inutiles. Il va falloir en effet payer les dédits très importants à l’architecte, Rudy Ricciotti, et aux entreprises non estimés aujourd’hui, sans compter les contentieux qui ne manqueront pas de suivre. La municipalité annonce que le bâtiment en construction va être démoli ; ce sont également des millions d’euros qui vont partir en poussière. Ce gâchis d’argent public est inadmissible.
Arrêter ce projet et détruire le bâtiment, c’est renoncer définitivement, comme l’ancien maire Yvon Robert aujourd’hui 1er adjoint l’avait fait en 1995, à la réalisation d’une médiathèque à dimension régionale dont disposent depuis de nombreuses années déjà la plupart des grandes métropoles françaises. C’est renoncer également à un projet cohérent d’aménagement du territoire, le projet comportant un volet de mise en réseau informatique nécessaire et ambitieux des bibliothèques de Rouen et l’agglomération. Ce projet de modernisation déjà entamé pour un pour meilleur service aux habitants avait reçu le soutien de l’agglomération de Rouen alors présidée par François Zimeray ce qui avait justifié l’inscription de la Médiathèque au contrat d’agglomération.
Démolir la structure déjà construite, c’est aller à l’encontre d’une démarche de développement durable. Alors que l’ancienne municipalité, soucieuse de l’empreinte écologique qu’elle laisse, avait demandé à l’architecte de concevoir un bâtiment répondant aux normes de Haute Qualité Environnementale, la nouvelle équipe, composée notamment d’élus verts, n’envisage même pas, si elle n’est pas d’accord avec le projet culturel, de reconvertir le bâtiment.
Sans oublier les répercussions sur la politique culturelle globale. Le musée des Beaux-Arts de Rouen devait s’agrandir dans la bibliothèque Villon. Le projet est enterré. Des pièces extraordinaires resteront inaccessibles à la très grande majorité des Rouennais.
A l’heure où l’on parle de l’échec de la démocratisation culturelle, Catherine Morin Desailly, qui a œuvré à ce projet avec les équipes de la ville et en concertation avec les services déconcentrés de l’Etat depuis 7 ans, dénonce un déficit de conscience politique et sociale et ce qu’elle considère être un acte cynique et barbare. Dans une ville et une région connues pour leur retard en matière de lecture publique, l’ambition était de faire du livre un outil d’émancipation et de partage.

* Rouen détient selon les classements ce qui est considéré comme le 3ème ou 4ème fonds patrimonial de France. »

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