Arrêt de la Médiathèque: Valérie Fourneyron organise la casse de la culture

Je suis, comme l’ensemble des membres du groupe Centre, Démocrates et indépendants, atterrée de la décision annoncée ce jour par le maire de Rouen d’arrêter la construction de la Médiathèque régionale.
Attendu depuis près de 20 ans et plusieurs fois ajourné notamment en 1995, le projet d’une Médiathèque d’envergure régionale implantée à Rouen avait pu se concrétiser sous le mandat et l’impulsion de Pierre Albertini et avec le soutien du Ministère de la Culture et de ses services déconcentrés. A la fois grand projet culturel et d’aménagement urbain, cette médiathèque devait regrouper, sur près de 9000 m² une offre documentaire extrêmement riche et variée et les supports de communication les plus modernes, tout en s’appuyant sur le réseau des bibliothèques de quartier.

La première pierre avait été posée le 20 octobre dernier dans le quartier Grammont pour une ouverture au public programmée à l’été 2010. Avec 600 places assises, un auditorium de 100 places, une salle d’exposition de 120 m², 180 000 documents contemporains, 400 000 documents patrimoniaux, cet équipement n’aurait pas eu d’équivalent entre Rennes et Lille. Il aurait permis d’accueillir et de rendre accessible aux publics de tous les âges et de tous les milieux le livre et la lecture, contribuant ainsi à une démocratisation de la culture.

Implantée au cœur du quartier Grammont en plein développement, la Médiathèque s’ouvrait sur un parc paysager de 25 000 m² et serait devenu un équipement structurant de la ville, dont les lignes architecturales auraient probablement séduit le plus grand nombre et attiré de nombreux visiteurs. Un projet culturel et architectural de grande ambition ! L’implantation d’une Médiathèque à Grammont aurait permis une revalorisation sans précédent de ce quartier et aurait été un vecteur intergénérationnel et de mixité sociale, tout en contribuant au rééquilibrage des deux rives.

Mais la nouvelle municipalité en a décidé autrement en annonçant l’arrêt brusque du chantier alors même qu’il est très avancé ; le 2ème étage est en cours de réalisation, 15 millions d’euros ont déjà été engagés et la fin des travaux était prévue en décembre 2009. Faut-il rappeler que ce projet a été soutenu par l’agglomération de Rouen, alors présidée par François Zimeray, et qu’il s’est concrétisé par son inscription au contrat d’agglomération ?

Cette brusque annonce, faite sans que l’inspection demandée par la Ville au Ministère de la Culture n’ait été remise, sans que le nouveau maire ne l’ait annoncé dans son programme, sans qu’il n’y ait eu de débat en conseil municipal ni de concertation avec les habitants du quartier, révèle le mépris avec lequel le maire de Rouen traite les rouennais, les élus de la minorité et le personnel municipal. Le Ministère de la Culture et de la Communication, pourtant 2ème financeur, n’a pas non plus été averti de cette annonce. Le maire remet également en cause une décision prise en toute transparence et dans le respect des règles démocratiques sous la précédente mandature.

L’argument financier avancé par Valérie Fourneyron n’est pas recevable puisque, dans toutes les villes de France, un tel projet est porté par plusieurs collectivités territoriales et qu’en l’espèce la région et le département pouvaient apporter une aide importante. Mais Valérie Fourneyron a réussi à les convaincre de ne pas soutenir ce projet, pourtant indispensable.

Alors que la nouvelle équipe a commandé un audit sur les finances de la Ville et que s’appuyant sur ce dernier, elle affirme, sans véritable fondement et de façon assez incohérente, que les finances de la ville sont catastrophiques, elle va, par cette décision, créer de nouvelles charges pour la ville. Il va falloir en effet payer les dédits très importants à l’architecte, Rudy Ricciotti, et aux entreprises, sans compter les contentieux qui ne manqueront pas de suivre. Et que va devenir le bâtiment en construction ? Si la municipalité décide de le démolir, ce sont 15 millions d’euros, mais probablement plus, qui vont partir en poussière.
15 millions d’euros, c’est 10 km de route départementale.
15 millions d’euros, c’est 1 an d’entretien de tous les lycées haut-normands.
15 millions d’euros, c’est 2 rames de TER.
15 millions d’euros, c’est la réalisation d’un centre dramatique national.
15 millions d’euros, c’est la réalisation d’une scène de musiques actuelles.
Ce gâchis d’argent public serait inadmissible.

Et quand Rouen se dotera-elle d’une Médiathèque à dimension régionale, tête de réseau des autres bibliothèques ? Faudra-t-il encore attendre 10 voire 20 ans pour qu’un tel équipement soit construit à Rouen ? Car, contrairement à ce qui est affirmé, la Médiathèque devait devenir la « tête de réseau » des bibliothèques de Rouen et de l’agglomération et seule l’annexe de Saint-Sever devait être transférée puisque très proche. L’ouverture de la médiathèque devait conduire à une modernisation du réseau déjà entamée pour un meilleur service aux habitants.

Et que va devenir le fond patrimonial de la ville, 4ème fonds en région et actuellement conservé à la bibliothèque Villon ? Autant de questions auxquelles la nouvelle municipalité ne répond pas mais qu’il faudra rapidement envisager, faute de quoi Rouen continuera de rester loin derrière les grandes métropoles nationales et d’avoir un service public du livre et de la lecture minimum.

Derrière cet arrêt du chantier et la démolition des 2 premiers étages, ce sont des hommes et des femmes, engagés depuis 7 ans dans un travail de modernisation des bibliothèques et de montée en puissance de la politique du livre, que l’on anéantis.

La gauche rouennaise et fabiusienne, d’habitude si prompte à défendre la culture et sa démocratisation et à encourager la cohésion sociale dans les quartiers, révèle ici une conception et une vision bien archaïque de la culture et de l’implantation des équipements culturels. Arrêter le projet de Médiathèque, c’est une nouvelle fois, après le coup d’arrêt donné en 1995 par la gauche, rater un rendez-vous historique en renonçant au seul équipement jugé nécessaire entre Lille et Rennes. L’ambition portée par Pierre Albertini et son équipe est bien loin maintenant.

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