Conseil municipal du 2 juillet 2008 : arrêt de mort de la médiathèque

Hier soir, lors du conseil municipal de la ville, Yvon Robert a, pour la 2ème fois mais cette fois-ci définitivement, enterré le projet d’une médiathèque régionale à Rouen. L’épisode de 1995 se reproduit aujourd’hui.

« Dans la journée de mercredi dernier, comme tous les Rouennais, les habitants de cette agglomération, comme le personnel municipal, comme l’architecte Rudy Ricciotti, l’entreprise Léon Grosse et les 140 employés qui travaillent depuis plusieurs mois sur le chantier de la médiathèque, comme les autres financeurs engagés dans le projet dont le Ministère de la Culture, et bien sûr nous tous élus (j’imagine de la majorité comme de la minorité) avons appris  brutalement, sans ménagement, par la presse et sur les blogs que vous aviez décidé de démolir la médiathèque régionale en cours de construction .
Plaidant pendant votre campagne électorale pour une consultation renforcée chaque fois que nécessaire notamment je vous cite sur « les dossiers importants pour l’avenir de Rouen »  vous nous aurez donné là, avec la consultation biaisée sur l’avenir de la place de la Cathédrale  deux grandes  leçons de démocratie participative !
Depuis cette annonce qui a fait l’effet d’une bombe, inutile de souligner l’extrême indignation et émotion, l’incompréhension qui s’est emparée de nos concitoyens de tous milieux et toutes sensibilités…
Et là, ce soir, cerise sur le gâteau, vous nous demandez de nous prononcer sur l’arrêt des travaux de cet équipement culturel d’envergure voué selon vos déclarations à la démolition -le projet de rapport ne nous ayant été envoyé que samedi matin- déclaration que vous avez commencé à amender hier. De qui se moque t’on ? Cette délibération comporte déjà un vice juridique grave puisque, faut-il  le rappeler, le délai légal est de 5 jours francs.
Où est aujourd’hui l’urgence pour d’un coup d’un seul signer l’arrêt de mort d’un équipement attendu depuis 20 ans, qui a fait l’objet de 7 années de préparation et montage de dossier, d’appels d’offres, d’un concours d’architecte. De milliers d’heures de travail  des services de la ville et des services déconcentrés de l’Etat associés à toutes les réunions de pilotage , je pense encore aux dernières réunions que nous avons co-animées sur le 1% culturel avec toute l’équipe constituant le jury pour sélectionner les trois candidats restants.
Et vous voudriez qu’à moins d’une semaine de vos déclarations  à la presse, dans la précipitation d’une décision solitaire et arbitraire, nous prenions là ce soir une quelconque décision ? 
Je crois plutôt qu’il y a urgence à se poser. Il y a urgence à réfléchir, à remettre de l’ordre dans vos idées, de la cohérence dans votre projet de développement de la lecture publique auquel vous vous dites attachée.
Comment pouvez vous affirmer à quelques jours d’intervalle que vous poursuivez le chantier (Paris-Normandie du 12 mai) et changer de pied quelques jours plus tard ?
Comment, à plusieurs reprises et officiellement, peut-on se prononcer comme lors du conseil municipal du 16 décembre 2005 sur, je cite M. Robert,  « la nécessité d’un tel équipement », qui dit encore « nous sommes totalement conscients des graves insuffisances de la bibliothèque actuelle » « Depuis le début du mandat notre accord est total. Sur le principe, vous avez l’accord de l’Etat, de la Région, du Département et de l’agglomération. Notre désaccord porte uniquement sur la localisation cet équipement… »  Et aujourd’hui ne plus jurer que par les bibliothèques de quartier et le maintien de Villon, seules conditions selon vous d’une politique en faveur du livre et de la lecture réussie ?
Bien sûr que les bibliothèques de quartier sont essentielles. Vous allez me redire ce soir qu’on allait fermer 3 annexes : mensonge ! Je vous invite à relire très attentivement tous les PV des commissions Culture, des conseils municipaux ainsi que le dossier de presse où nous avons clairement expliqué que seul St Sever serait transféré pour raison de proximité.
Il y a urgence à consulter les professionnels du livre et de la lecture de cette région sur l’enterrement définitif d’une tête de réseau : le syndicat des libraires, le directeur de l’Agence Régionale du livre, l’association Accolade, des bibliothécaires de l’agglomération qui m’ont tous avoué leur grande inquiétude.
Il y a urgence à mesurer ce que représente le patrimoine, les moyens de sa sauvegarde et de sa valorisation et de son accessibilité au plus grand nombre.
Il y a urgence que vous preniez le temps de visiter sérieusement Villon et de mesurer l’encombrement, la vétusté et l’archaïsme d’un lieu, de la somme des travaux qu’il faudrait faire pour le rendre un tant soit peu sécurisé et fonctionnel, un lieu qui n’est pas fermé mais restreint dans son nombre de places d’accueil, un lieu, rappelons les chiffres, qui bien avant cette date n’accueillait pas plus de 1% des rouennais.
Il y a urgence à ce que vous preniez le temps d’une discussion approfondie avec notre directeur des musées Laurent Salomé pour juger de la nécessité dans un deuxième temps une fois Villon libéré du projet d’extension pour un département d’art moderne et contemporain, projet soutenu par la Direction des Musées de France.
Il y a urgence surtout à attendre l’inspection que vous avez réclamée au Ministère et dont les conclusions ne sont pas rendues. Madame Albanel, la Ministre de la culture déplore dans la presse ces derniers jours votre précipitation et exprime sa préoccupation pour les rouennais qui se voient privés d’un outil majeur de lecture publique…
Pour justifier votre décision vous avancez que les caisses de la ville sont vides (nous n’allons peut-être pas recommencer là le débat) et donc vous n’avez pas d’autres choix que d’arrêter la médiathèque pour économiser 25 millions en investissement. Je voudrais vous croire, mais j’ai bien peur qu’au bout du compte, l’ensemble des dédits et des contentieux (qui bien entendu vont tomber en cascade quoiqu’il arrive d’ailleurs destruction ou réorientation du programme, auquel il faudra ajouter le coût des solutions alternatives que vous proposez) représente pratiquement le coût de la Médiathèque sauf qu’on n’aura pas la médiathèque !
Vous chiffrez d’abord les dépenses réalisées à 9 millions mais cela remonte déjà à quelques semaines, depuis le chantier a couru. Vous estimez les dédits à 4 millions mais d’où viennent ces estimations ?  On sait bien qu’elles n’ont a pas été – si j’en juge le courrier qu’a adressé M. Ricciotti au mandataire et à madame le Maire. Lui annonce un chiffre de 20 millions d’euros ! 
Le coût de la démolition a-t-il été par ailleurs calculé ? Faudra t’il rétrocéder à l’Etat ses subventions ? Il y a en effet un engagement auprès de l’Etat comme auprès de l’agglomération : la médiathèque bénéficiant aussi de subventions inscrites au Contrat d’Agglomération ….. Faut-il préciser que les règles de la comptabilité publique feront que tous les dédits seront pris en fonctionnement ?
Certes M. Fabius a annoncé qu’ « on paiera les dédits qu’il faudra », c’est-à-dire l’Agglo j’imagine. Le contribuable appréciera tout autant que les élus qu’on essaie de convaincre des avantages financiers à escompter de la création de la Communauté Urbaine. Les communistes ont bien raison de nous écrire pour exprimer leur réserve ! 
D’ailleurs, je ne vois pas le Maire de Rouen aujourd’hui pour s’expliquer ???? Car vous en conviendrez, le Maire de Rouen c’est bien M. Fabius qui a annoncé il y a plus d’un mois le mercredi 25 mai la nouvelle lors d’une conférence de presse !
Que faisons nous là ? Y a-t-il lieu finalement de siéger ce soir ? Puisque tout est déjà décidé d’avance ! La preuve : le courrier signifiant l’arrêt du chantier est envoyé au mandataire et à l’architecte le 26 juin, bien avant le conseil municipal et au lendemain de la commission générale où on ne nous dit rien.
Non ! Les conseils municipaux ne peuvent pas prendre de décision sans éléments précis Nous exigeons d’avoir le décompte de ce que cela va coûter dans le détail.  Et que soient  évaluées sérieusement toutes les conséquences.
Au rang de celles-ci, il y aura la mauvaise réputation que se fera notre ville, notez bien que c’est déjà fait. La Cité de l’Architecture et du Patrimoine a pris la décision dès avant même l’arrêt du chantier de la médiathèque et compte tenu de ce qui se passe depuis quelques semaines (blocage du projet Viguier, non consultation des architectes urbanistes qui travaillent sur le GPV…) de retirer du pavillon français à la Biennale d’Art contemporain de Venise la présentation des projets rouennais cet été.
Vous avez dit lors de votre conférence de presse : « c’est fini les grands projets, c’est fini les grands architectes »  Rassurez-vous, ces derniers n’auront de toute façon plus envie de travailler avec vous ! Et les grands projets pour Rouen c’est fini aussi et pour longtemps. Comment en effet par exemple le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche accepterait-il de financer la médiathèque universitaire que le président Oskul s’apprête à réclamer dans le cadre du Contrat de Projets Etat-Région 2007-2013 ? 
Il y a les conséquences écologiques aussi. Alors que nous avions souhaité concevoir un bâtiment répondant aux normes HQE, on n’envisage même si on n’est pas d’accord avec le projet culturel de reconvertir le bâtiment. Alors oui, pour moi cet acte de démolition est barbare. La barbarie, c’est le contraire de la culture et de la civilisation et s’attaquer à ce qui est destiné à être un lieu dédié à la lecture premier outil d’émancipation et de conquête est de cet ordre là, de même que casser le travail d’un architecte, homme de l’art est contraire à l’éthique…
Je ne comprends pas votre décision. Peut-être prônez vous l’esthétisme de la destruction, la ruine du XXIème siècle qu’on prépare aux habitants du quartier, nouveau palais des congrès du quartier Grammont ; ça sera peut être assez tendance du Ricciotti transformé en squat parce qu’avec les recours il faut bien s’attendre à ce que cela dure des années.
On pourrait rire plutôt que de pleurer, rien ne serait finalement tragique s’il n’y avait derrière tout cela des femmes et des hommes :
Les 140 employés de l’entreprise Léon Grosse vont se retrouver sur le carreau.
Les artisans dont ont méprise  le travail, travail fait avec cœur tant de leur propre aveu c’est un chantier exceptionnel.
Des ouvriers auxquels on n’a même pas le courage d’aller dire en face droit dans les yeux que tout est fini.
Des personnels de bibliothèques au nombre de 14 qu’on a recruté entre 2005 et 2007 qui effectuent tout le travail de préparation pour le futur équipement.
Ceux qui ont investi dans ce quartier en mutation désormais dénommé Grammont-Médiathèque chez les agents immobiliers car oui ce quartier est appelé à vivre une mutation profonde.
Enfin et surtout les habitants auxquels on vient dire « cet équipement n’est pas pour vous, à la place je vous propose une ludothèque » habitants qui on l’a entendu hier veulent un lieu de culture !
J’ai une pensée toute particulière pour les personnels municipaux qui se sont donnés sur ce dossier, aucun ne mérite cela.
Non le choix n’est pas financier, c’est un faux problème. Certes l’investissement pour réaliser la médiathèque représente une part importante du budget investissement de la Ville. Mais à qui la faute ? Vous vous êtes asphyxiée toute seule en allant convaincre vos amis socialistes les uns après les autres de ne surtout pas aider la municipalité de Pierre Albertini sur ce dossier. 
C’est un choix de politique culturelle et de politique de la ville, un choix politique tout court. Mais surtout  le choix oui ou non d’assumer la continuité républicaine comme nous l’avons fait en 2001. Car il y a là abus de droit.
Mais il y a surtout urgence à ne pas décider quoique ce soit ce soir car pour nous les conséquences financières et juridiques au premier chef sont incalculables. Je vous donne lecture de la lettre que Rudy Ricciotti a adressée à Madame le Maire la rappelant à ses responsabilités.
Aujourd’hui, vous proposez une reconversion du site. Mais on ne substitue pas dans la cacophonie la confusion et la fébrilité un projet par un autre.
Mesdames et messieurs, j’en appelle à votre bon sens de façon à ce que nous exigions une estimation précise  afin de prendre nos décisions en connaissance de cause. Je demande très officiellement que  ce dossier riche et complexe en termes d’enjeux soit présenté dans le détail. Madame le maire je vous demande également de nous emmener visiter tous ensemble le chantier déjà avancé, en compagnie de la ministre de la culture, du préfet, l’architecte, de l’entrepreneur, de l’équipe des bibliothèques et de madame Rendu conseillère au livre  à la Drac ainsi que le  site Villon. »

Téléchargez mon intervention  

Lire la lettre de R Ricciotti au maire de Rouen 

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