Débat du l’égalité des territoires

Alors que cet après-midi, le Sénat, chambre représentant l’ensemble des territoires, débat de la politique du Gouvernement en matière d’égalité des territoires, les inquiétudes et questions s’avèrent nombreuses.

La lutte contre les déserts médicaux peine à s’affirmer et les politiques sociales de lutte contre la pauvreté en milieu rural dont les situations ne sont pas identiques selon le degré d’enclavement des territoires ruraux, le tissu économique ou bien encore le dynamisme de leur population n’ont pas encore montré leur pleine efficacité. Plus encore, l’absolue nécessité pour les territoires ruraux du maintien des services publics de l’Etat pour assurer la diversité, mais également l’égalité et la solidarité des territoires n’est plus à discuter.

Pourtant la situation s’aggrave. La difficulté d’accès à l’emploi, à la formation, aux services sociaux et médicaux représente un vrai problème pour ces territoires, qui met en jeu leur survie-même. Il nous faut enrayer le déclin territorial, cette fracture qui ne cesse de croître au détriment de la ruralité.

Au contraire, depuis près de deux années d’exercice du pouvoir, le Gouvernement conduit une politique d’aménagement du territoire dans lequel s’opposent des villes dynamiques, économiquement performantes et internationalement compétitives, et des territoires marginalisés. Il semble ainsi défendre une vision selon laquelle la division territoriale prime sur l’unité de la diversité des territoires. Son choix de traiter les problématiques d’organisation territoriale autour d’un Acte 3 de la décentralisation « saucissonné » en trois textes le démontre : la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles d’une part, la loi relative à la mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi, et de promotion de l’égalité des territoires d’autre part, et, enfin, la loi relative au développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale.

De fait, la réflexion perd de sa cohérence et se prive d’une démarche plus globale dans laquelle la complémentarité des espaces ruraux/urbains devient un atout. Le seul fait de rappeler que le premier projet de loi « entend conforter les dynamiques urbaines en affirmant le rôle des métropoles », conçues sur un unique critère démographique,limite d’emblée une dynamique de synergie avec les territoires ruraux. Par ailleurs, le nouveau scrutin départemental (ancien scrutin « cantonal ») porte un coup malheureux à la ruralité qui perd une partie de sa représentation au profit des villes. Les enjeux du monde rural, autour de l’agriculture, du patrimoine naturel, architectural et culturel, sont relégués à un second rang au profit des grandes collectivités. L’équilibre territorial ne peut qu’en être gravement atteint. Au contraire, un renforcement substantiel des territoires ruraux serait plus que souhaitable. Celui-ci s’appuie sur la recomposition des territoires et la redéfinition des missions de la puissance publique, parce qu’il conjugue les impératifs que sont : la solidarité et la cohésion sociale, la performance économique et la préservation des grands équilibres environnementaux.

Tout d’abord, la solidarité et la cohésion sociale sont des priorités constantes pour tous les élus et les acteurs de terrain, en ville comme à la campagne. Etre acteur de cohésion sociale, c’est s’assurer que chacun trouve sa place, là où il fait le choix de vivre. Les publics socialement fragilisés sont attirés par les centres urbains qui, pensent-ils, sont susceptibles de leur apporter davantage de réponses à leurs problématiques sociales, sanitaires, professionnelles ou personnelles. Pourtant, la population rurale garde un temps d’avance sur l’accompagnement des populations en souffrance ; partout, elle relève généreusement le défi du vieillissement et de la dépendance ; elle accompagne petits et grands sans jamais renoncer. Les établissements médico-sociaux de nos cantons, parfois même reculés de notre département, en sont l’illustration. La richesse du réseau associatif, voire bénévole, d’aide à domicile, et l’investissement des professionnels de santé dans les villages les plus éloignés, témoignent de cette vitalité qui prend une dimension humaine toute particulière et qui honore ses acteurs. Les ressources du monde « rural » en termes de générosité, de solidarité, sont immenses et elles contribuent à l’attractivité de l’espace rural .

En ce qui concerne la performance économique, l’articulation sur un même territoire des espaces d’habitat et de travail est source de bien-être pour le salarié et offre un environnement favorable pour l’entreprise. A contrario, les grandes zones d’activité économique, concentrées sur les agglomérations les plus grandes, font apparaître leurs limites notamment en termes de déséquilibre démographique, ainsi qu’en matière de nuisances environnementales. Les déplacements y sont de plus en plus ingérables pour les particuliers comme pour les professionnels. En parallèle, trop de territoires ruraux se désertifient, abandonnant les exploitants agricoles à leur rôle de gestionnaires des espaces naturels. Heureusement, la polarisation urbaine n’est pas complètement inéluctable. Las de ne pouvoir se déplacer facilement, de nombreuses familles s’éloignent de la capitale régionale pour s’orienter vers des pôles péri-urbains ou ruraux à dimension humaine. Car, en réalité, c’est le facteur « temps » qui conditionne le choix et la motivation pour un chef d’entreprise d’installer son entreprise ici plutôt qu’ailleurs. C’est ce même facteur « temps » qui guide la décision d’une famille qui s’établit dans un village plutôt que dans un autre.

A cet égard, le déploiement de l’internet très haut débit constitue désormais un enjeu majeur. La toile numérique réduit en effet la notion de « temps » et de délai puisqu’elle rapproche l’ensemble des populations. Les applications sont pléthores, notamment dans le domaine administratif ou technique. Je pense à la télémédecine qui intègre les professionnels de santé isolés dans un dispositif collectif de partage d’informations et d’expertises dans l’intérêt du patient éloigné des centres médicaux les plus performants, ainsi qu’à une meilleure offre de soins. Le numérique a déjà et va continuer à révolutionner nos schémas d’organisation de l’espace urbain et rural. Aussi, il est de la responsabilité du gouvernement et des élus locaux d’anticiper cette mutation, d’ouvrir des voies nouvelles, sans jamais perdre de vue qu’au-delà des innovations technologiques, l’humanisation des espaces demeure le coeur de notre conception moderne du service public.

Enfin, sur la préservation des grands équilibres environnementaux, l’extension concentrique d’une agglomération relève d’une urbanisation archaïque et dépassée. Elle détruit progressivement et inexorablement l’environnement historique et écologique des communes incluses dans le pérrimètre aggloméré. Le bétonnage démesuré de l’espace urbain pour y concentrer les populations oblige à développer des programmes de verdissement artificiel et conduit à une gestion coûteuse des moyens utiles à la vie citadine. C’est une question de bon sens et de bonne gestion qui plaide en faveur d’une interactivité entre tous les territoires, sans limites géographiques pour rechercher la plus grande optimisation des ressources. Cette synergie s’exerce d’autant plus naturellement entre toutes les collectivités territoriales, que ses élus explorent au mieux les mutualisations à l’échelle communautaire, puis cantonale, départementale, régionale et métropolitaine.

En conclusion, il m’apparait urgent de travailler sur la notion de « maillage raisonné », partagé entre des territoires urbains et des pôles ruraux. On ne réussit pas un aménagement territorial dynamique sur la seule composante urbaine. Il faut au contraire miser sur l’équilibre entre l’attractivité citadine et le potentiel des espaces ruraux.

C’est une question de volonté politique, qui requiert du gouvernement et de l’ensemble des parlementaires que nous sommes, en collaboration constante avec les élus locaux, davantage d’inspiration pour l’avenir.

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