Débat préalable au Conseil Européen

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes chers collègues,

Voilà plusieurs mois que j’ai le plaisir de participer aux travaux de notre commission des affaires européennes. Je me réjouis de la qualité générale de nos débats et des propositions stimulantes des collègues qui ont su établir un diagnostic assez juste tant sur le fonctionnement de l’Union que sur les actes législatifs qui y sont produits.

Voilà pourquoi, on ne peut que regretter que le débat préalable au Conseil Européen soit finalement un exercice un peu stérile de commentaires sur un ordre du jour qui nous dépasse et nous interpelle par sa vacuité politique. Je regrette le caractère essentiellement tribunicien laissé au Parlement en l’absence d’une procédure qui nous permettrait, sur le modèle de l’article 88-4 de la Constitution, de peser davantage sur le Conseil Européen.

L’ordre du jour du prochain Conseil Européen appelle la conclusion de la première phase du semestre européen, consacrée à l’examen des efforts de coordination entrepris par les états membres en matière de politique budgétaire.

En soit, on ne peut que se satisfaire de la montée en puissance du principe de coordination qui reste l’un des grands acquis du « pacte pour l’euro » adopté il y a deux ans. Et pourtant Monsieur le Ministre, mes chers collègues, je ne peux que mesurer l’insuffisance de notre exercice et de la réunion du Conseil face au ressentiment qui traverse l’Europe.

Les dernières élections en Italie ont été l’occasion de la sanction dramatique du Gouvernement de Mario Monti, mis à mal par la progression spectaculaire de formations populistes. Ce phénomène est identique dans tous les pays-membres.

La récente déclaration de David Cameron relative à une éventuelle sortie de la Grande-Bretagne de l’Union par la voie d’un référendum attise les tensions populistes que l’on retrouve en France. N’oublions pas que les formations eurosceptiques et populistes ont cumulé près de 30% des suffrages exprimés.

Au même moment, le Parlement français, et notamment le Sénat, a été privé d’un véritable débat et d’une véritable explication sur le budget européen. Ce débat, pourtant demandé conjointement par Jean-Louis Borloo et François Zocchetto, sur les modalités consternantes d’adoption d’un budget qui ne peut que nous sidérer à plusieurs égards.

Ce budget engagera la prochaine commission et le prochain Parlement à moins d’un an des prochaines élections européennes, comment ne pas pointer une telle anomalie institutionnelle ?

Budget consternant enfin puisqu’il est pour la première fois en nette diminution et pourrait remettre en cause à terme les investissements d’avenirs, investissements dont nous avons terriblement besoins pour démontrer à nos concitoyens que l’Europe n’est pas un carcan, que l’Europe n’est pas un poids mais qu’elle est au contraire une force d’avenir, une force pour l’emploi, pour la formation, l’éducation et l’avenir de nos enfants.

Le groupe UDI-UC avait demandé à plusieurs reprises un débat sur cette question mais à chaque fois, on nous renvoie au débat préalable sans plus de précisions comme si l’Europe, finalement, n’avait qu’une place restreinte au Parlement.

Nos débats masquent mal le fossé qui se creuse sans cesse entre l’Union, les citoyens et l’idéal européen que nous devrions tous partager. L’Europe, de la manière dont elle fonctionne, ne correspond plus aux aspirations de la population. On a trop mal mesuré les racines profondes du référendum du 29 mai 2005. Le « Non » à la Constitution a été le signe avant coureur de la crise morale que traverse l’Europe aujourd’hui.

Les générations actuelles n’ont pas connu la guerre. L’Europe ne peut plus se vivre comme un idéal alors que nos concitoyens nous demandent une Europe concrète, une Europe protectrice, une Europe de la prospérité, de l’emploi, bref, une Europe de l’avenir et pas une Europe mémorielle qui se reposerait sur les lauriers du travail déjà accompli.

Le groupe UDI-UC se veut le porte-parole de la voie européenne dans le débat public national. Et c’est justement parce que nous sommes viscéralement attachés à l’idée européenne que nous nous permettons d’être critiques à l’égard du fonctionnement de l’Union Européenne.

J’ai eu l’occasion, dans le cadre de ma mission sur l’Europe du Numérique, de travailler avec l’administration bruxelloise. Force est de constater, et je suis désolée de le dire, mais nous faisons face à une administration d’un autre temps. L’Europe doit devenir une aventure politique tournée vers l’avenir et ne saurait rester une machine purement administrative.

Le ressentiment de nos concitoyens est désormais trop palpable pour que nous en restions à un tel degré de complexité et d’éloignement entre l’Union et le peuple. Ce ressentiment doit nous alerter sur la marche à suivre désormais : il nous faut impérativement resserrer le lien entre l’Union et les citoyens.

Au regard du prochain Conseil Européen, nous mesurons tous que le Traité « SCG» donnera de fait à la Commission un pouvoir considérable en matière budgétaire et donc en matière fiscale. Or, nous ne pouvons pas oublier, en tant que parlementaires, que la première des responsabilités des assemblées est de garantir le respect du principe du consentement à l’impôt et de voter le budget.

Comment voulez-vous assurer le lien démocratique entre l’Union et les citoyens si la Commission décide de tout sans être responsable de rien ? Comment ce lien pourrait-il vivre lorsque des décisions entrainant le destin de millions de citoyens européens se joue parfois dans des cénacles refermés entre 2h et 3h du matin ?

Prenons un exemple précis, la rectification des prévisions de croissance de la France pour cette année impose au Gouvernement, pour se conformer aux exigences de sa programmation prise en conformité avec les stipulations du traité SCG de souscrire à deux hypothèses pour maintenir une trajectoire vertueuse de désendettement : soit vous jouez sur les recettes et vous serez contraints de créer de nouveaux impôts pour combler l’écart de prévision, soit vous jouez sur l’exécution pour imposer des économies aux administrations de l’Etat.

Dans tous les cas, la simple correction d’un chiffre par Bruxelles entraine des conséquences lourdes pour nos concitoyens et remet in fine en cause l’autorisation votée en loi de finances initiale. C’est la démocratie parlementaire nationale qui est atteinte par le manque de démocratie au niveau fédéral.

Nous devons associer les citoyens à la prise de décision politique pour faire de l’Europe une Europe politique. Nous devons renforcer les pouvoirs de contrôle des parlements nationaux. Nous devons enfin établir une véritable définition du principe de subsidiarité pour enfin sauter le pas : donnons à l’Union des compétences véritablement fédérales en contrepartie d’une démocratie renforcée qui rendra l’Union politique et non plus administrative et les états s’occuperont de ce qui est de leur ressort naturel.

Je ne peux plus compter le nombre de fois ou je suis interpellée par les entreprises de mon département qui souffrent d’une concurrence déloyale imposée de fait par Bruxelles et par un ensemble colossal de normes qui favorise naturellement les entreprises étrangères. Pétroplus en est un triste exemple mais combien d’autres en France ?

Monsieur le Ministre, comme vous le savez, le groupe UDI-UC est le seul groupe politique ou l’engagement européen est unanime et semble naturellement aller de soi. C’est au nom de cet engagement que je partage avec mes collègues que je souhaiterais que vous nous éclairiez, non pas tant sur la position de la France dans la procédure de conclusion du semestre européen, mais sur les propositions du Gouvernement en matière de restauration du lien de confiance entre l’Europe et ses citoyens.

Je vous remercie.

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