Nouveau coup dur pour l’architecture contemporaine à Rouen

Après l’annonce de la démolition de la Médiathèque en juin dernier, l’architecture contemporaine à Rouen est une nouvelle fois mise à mal par la municipalité. A l’occasion du conseil municipal du 24 octobre dernier, le maire de Rouen et son premier adjoint ont fait voter dans le cadre d’une délibération portant  sur le Grand Projet de Ville de Rouen, le principe de démolition de trois plots faisant partie du célèbre ensemble conçu par Marcel Lods à la fin des années 60 dans le quartier de la Grand Mare. Cette décision apparaît d’autant plus paradoxale, qu’il y a seulement quelques jours une cérémonie était organisée pour marquer la réhabilitation de 360 logements parmi les autres immeubles « Verre et Acier » de cet ensemble « chaîné » du célèbre architecte. Cette première étape de la réhabilitation devait être complétée par deux projets importants. Dans le cadre de la mixité des projets et dans un souci de solidarité, l’équipe municipale précédente  avait envisagé une diversification des activités : des services de la ville devaient y être accueillis, de même qu’une mairie annexe pour un meilleur service aux habitants et l’installation d’artistes (résidences de l’Ecole des Beaux Arts, collectif 99). La démolition est d’autant plus contestable que l’appel d’offres  a été réalisé et qu’il rentre dans l’enveloppe financière prévue. Malgré les demandes d’informations lors du conseil, la nouvelle équipe municipale n’a pas précisé ce qui doit se substituer à la démolition et ce qui va advenir des services et associations concernés.

L’argument du nouveau maire porte notamment sur le coût de reconversion de ces immeubles en bureaux, pour notamment les remettre aux normes incendie. Mais finalement détruire coûtera certainement plus cher : 150 000 euros par bâtiment tel qu’explicité dans le Compte Rendu annuel 2007 aux Collectivités Locales sur le Grand Projet de Ville Grand Mare. La municipalité s’est donnée bien peu de temps et de moyens de réfléchir à une solution alternative comme par exemple leur vente qui pourrait au bout du compte être moins coûteuse et n’amputerait pas définitivement cet ensemble architectural connu de tous les amoureux et professionnels du patrimoine.

Je dénonce encore une fois la méthode et ce que je considère être un « gâchis humain et financier », les architectes, les urbanistes et les équipes de la ville ayant travaillé pendant de longues années à la concrétisation d’un projet sur le point d’aboutir. Comme pour la médiathèque, je m’étonne que le concepteur du projet, Nicolas Michelin, n’ait même pas été consulté sur ce dossier qui somme toute pouvait évoluer. 

Je suis réalité choquée par cette  destruction qui est loin d’être anodine architecturalement. En supprimant trois plots, ils détruisent un ensemble connu nationalement pour 3 raisons :
– leur qualité architecturale et leur environnement paysagé, leur pureté de lignes, leur volumétrie, la composition d’ensemble qui traite des allées piétonnes, des espaces verts et des parkings ;
– la conception des logements (500 à l’origine) souple et permettant aux occupants de délimiter eux-mêmes les volumes intérieurs compte tenu de la composition de leur famille et de leur manière de vivre ;
– le rapport qualité – coût qui inscrit cet ensemble parmi les premières tentatives d’habitat écologique.
Si certains bâtiments de Marcel Lods restent intéressants mais classiques, comme à Sotteville-Lès-Rouen, ce qui fait le caractère exceptionnel de cet ensemble chaîné de la Grand Mare, c’est qu’il représente l’aboutissement en terme de projets de toutes les recherches de cet architecte en matière urbanistique et architecturale.

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