Projet de loi sur les Métropoles

Vous trouverez ci-après mon intervention prononcée mardi dernier dans l’Hémicycle sur l’article 31 du PJL sur les métropoles, article fixant le seuil d’accès -en terme démographique- à ce statut.


Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,


Le Gouvernement avait initialement évoquée cette réforme comme étant l’acte 3 de la décentralisation : telle était l’ambition après les lois Deferre de 1982, et les lois Raffarin de 2003-2004. Cela permettait également de minorer, voire d’ignorer, le travail réalisé par le précédent Gouvernement ayant abouti à la loi du 16 décembre 2010. Loi qui n’est certes pas parfaite mais a eu le mérite de s’attaquer à certaines pesanteurs de notre organisation administrative.

Cette ambition d’un nouveau grand acte de la décentralisation est morte-née. Le Gouvernement s’est heurté aux résistances des associations de d’élus, pourtant dirigées par ses propres amis politiques et a été obligé de revoir sa copie. Celle-ci est devenue quasiment incompréhensible. Le Président de la République avait annoncé vouloir simplifier le « mille-feuille »administratif, c’est au contraire un pudding encore un peu plus lourd et indigeste qui nous est proposé. Le rejet hier par le Sénat des dispositions relatives à la métropole de Paris en est la parfaite démonstration.

Le saucissonnage de la réforme en 3 textes distincts lui fait perdre toute cohérence et lisibilité, je l’ai d’ailleurs rappelé dès le début de notre débat sénatorial.
Il aurait été préférable d’aborder les choses dans leur globalité même si cela supposait un texte assez long.
J’y voyais 2 avantages.

Premièrement,  cela nous aurait permis de mieux appréhender les perspectives qui attendent chaque niveau de collectivités. Au lieu de quoi, le découpage en 3 textes, nous impose de travailler en ce moment sur le statut des métropoles et des grandes zones urbaines sans mener une réflexion corrélative, voire même en faisant abstraction du sort réservé à nos territoires ruraux. C’est une erreur profonde dans la façon d’envisager la notion de territoire. Il y a une nécessaire et évidente complémentarité entre le secteur urbain et le secteur rural.
Le second avantage tient précisément à la simplification souhaitée : ne se serait-on pas mieux rendu compte de l’édifice incertain et tentaculaire que la loi construit, si l’ensemble avait été contenu dans un seul et même texte ? Obligeant alors le législateur à alléger son texte. Ici, au contraire, on voit déjà poindre les difficultés : les incohérences auront encore la part belle car chaque projet de loi sera l’occasion d’ajouter telle ou telle disposition afin de satisfaire à la demande de Pierre sans déshabiller Paul, tout en ne mécontentant pas Jacques…
C’était à mon avis l’un des mérites du texte élaboré en 2010 : Il avait su poser une première pierre sur le long chemin de la simplification de notre mille-feuille territorial notamment à travers la création du conseiller territorial.
Les nécessaires réorganisations ne sont pas faites pour plaire à tel ou tel, elles doivent avoir pour seul objectif de rendre l’action publique plus lisible, plus cohérente et plus efficace. Il ne faut pas s’y tromper : pour le citoyen, quel que soit le niveau administratif qui intervienne, c’est toujours une sorte d’hydre à plusieurs  têtes qu’il identifie comme étant l’Etat auquel il estime avoir affaire. Or, c’est bien là que le bât blesse : le gouvernement a encore ajouté quelques couches au mille-feuille en proposant de créer les conférences territoriales et le Haut conseil des territoires. Toujours plus de structures pour s’éloigner encore un peu du citoyen.
De ce point de vue, il est étonnant que le Gouvernement ne conçoive la décentralisation que de façon désincarnée et théorique. J’en veux pour preuve un exemple qui nous concerne directement dans mon département de Seine-Maritime : la métropole.

Ce projet de loi ne créé pas les métropoles. Je tiens à redire que c’est bien la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010 qui créé ce nouveau type d’EPCI.
Le projet de loi dont nous débattons propose un régime plus intégré par le transfert de compétences plus étendues. Soit.

Parallèlement, il prévoit la mise en place d’instances consultatives infra métropolitaines. Pourquoi pas.

Mais le critère retenu pour accéder à ce statut est uniquement démographique (450.000 habitants) est a même été durci par notre commission des Lois.
Là aussi, c’est une aberration qui démontre le défaut de vision quant à ce qu’est ou plutôt de ce que doit être la décentralisation.

L’ensemble métropolitain doit avant tout répondre à une logique de projet plutôt qu’à un seuil de population. Ce qui fait sens dans la constitution d’une métropole, c’est le projet de développement économique qui peut y être mené suivant la configuration socio-économique du territoire ; c’est l’intérêt que peut présenter de conférer ce statut à un territoire de par son ouverture à l’international et notamment à l’Europe du fait de son positionnement géographique, de la présence d’infrastructures importantes. C’est encore la possibilité de mener sur ce territoire une politique d’aménagement global du territoire par la présence d’axes de communication de première importance, de grandes entreprises, d’universités et de grandes écoles.

Je tire bien évidemment  cette réflexion de la réalité territoriale qui est la mienne en Seine-Maritime et à Rouen, positionné en lien avec Le Havre, au cœur du grand et ambitieux projet Axe Seine lancé sous mandature précédente.
Bref, si la démographie est un élément à prendre en compte afin qu’une masse critique suffisante soit atteinte, il apparaît qu’une réforme de la décentralisation qui sait où elle va et quels résultats elle souhaite produire, se doive de dépasser cette seule vision arithmétique. Aussi, je serai très attentive aux amendements portant sur le seuil pour éviter que ne soit définitivement figés, voir enterrés, des projets substantiels, porteurs de développement.

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