Recherches sur la personne : les centristes au cœur du débat

Jeudi dernier je suis intervenue en séance sur la proposition de loi relative aux recherches sur la personne. Au nom du groupe Centriste, j’ai soutenu ce texte déposé à l’Assemblée Nationale par mon collègue le député Olivier Jardé qui permet de faire avancer la législation relative aux recherches médicales sur la personne. Un sujet assez technique mais important au regard d’un enjeu qui est double à la fois scientifique et technique. L’objectif étant de faciliter la recherche sur la personne tout en garantissant la protection des individus qui y participent.

Voici l’intégralité de mon intervention :

« Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi est un texte important en matière de recherche impliquant la personne humaine, le premier d’ailleurs à être intégralement consacré à la question.

Présentée par notre collègue député Olivier Jardé et adoptée par l’Assemblée nationale le 22 janvier dernier, elle répond à la problématique consistant à concilier protection de la personne et encouragement de la recherche, et ce dans un domaine porteur de nombreux espoirs. Tout l’enjeu est de savoir où placer le curseur entre intérêt scientifique et exigence éthique.

Ce texte entend faire évoluer le cadre légal des recherches appliquées sur l’homme en matière médicale. Comme Mme le rapporteur l’a très judicieusement précisé pour bien cerner le débat, il ne traite, au sein de l’ensemble de ces recherches, que de deux d’entre elles : la recherche clinique et la recherche non interventionnelle ou observationnelle.

En tant que texte dont la finalité est avant tout éthique, son apport est d’unifier et de renforcer le régime de contrôle éthique exercé sur les recherches impliquant la personne.

Il crée effectivement une catégorie unique de recherches sur la personne, assortie de règles communes. Pour cela, il transforme la classification des différents types de recherches concernées, qui s’était avérée insatisfaisante depuis la loi Huriet-Sérusclat de 1988, la première consacrée au sujet.

La distinction entre les recherches « avec » ou « sans » bénéfice individuel direct s’étant révélée trop complexe en pratique, elle a été remplacée par une classification des recherches selon le double critère de leur objet et de leur degré de contrainte. Ce mode de classification, lui aussi trop complexe et en rupture avec la pratique scientifique, paraît à son tour inadapté.

Pour remédier à cela, le système unifié qui est proposé reposera sur le risque auquel seront exposés les participants et sur la distinction internationalement reconnue entre recherche interventionnelle et recherche observationnelle. Les types de recherches relèveront alors de régimes juridiques distincts, selon un degré de contrainte proportionné au risque dont ils seront porteurs.

Dorénavant, et c’est l’un des aspects les plus notables du renforcement du contrôle éthique sur les recherches visées, elles seront toutes soumises aux comités de protection des personnes chargés de les autoriser. Ce contrôle fondamental permettra la requalification, par les comités, des recherches présentées de façon erronée au titre d’un régime dans un autre.

De plus, en unifiant le régime de contrôle éthique exercé sur les recherches médicales et en révisant leur classification, la proposition de loi renforce les droits et garanties accordés aux participants de celles qui, jusqu’à présent, étaient les moins encadrées par le code.

Ainsi les personnes participant à des recherches interventionnelles ne comportant « que des risques et des contraintes minimes », autrefois désignées comme les « recherches en soins courants », bénéficieront-elles d’une information plus complète, d’un régime d’expression du consentement bien plus protecteur, d’exigences de compétence de l’équipe de recherche accrues, de la publication de guides de bonnes pratiques et de l’établissement d’un répertoire national.

De même, le texte – c’est d’ailleurs l’un de ses apports majeurs – donne un cadre législatif aux recherches non interventionnelles, celles que l’on désignait par l’expression de « recherches observationnelles », qui en étaient jusqu’ici dépourvues.

Alors qu’elles n’étaient définies que de manière incidente dans le code de la santé publique, ces recherches bénéficient d’une vraie reconnaissance et leur déroulement fera désormais l’objet d’un encadrement qui offrira de nombreuses garanties en termes de traçabilité, de droits des participants et de qualité du travail effectué. D’abord, leurs participants recevront une information préalable avec la possibilité de s’opposer à la recherche. Ensuite, ces projets seront soumis à l’autorisation préalable d’un comité de protection des personnes, ce qui n’était évidemment pas le cas. Enfin, des recommandations de bonne pratique seront publiées par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

L’apport éthique de la proposition de loi Jardé est donc clair.

Mais l’immense intérêt de ce texte est de parvenir à encourager la recherche en améliorant la protection des personnes.

La création d’un droit commun des recherches sur la personne est un acte de reconnaissance fondateur. Il ancre dans la loi la distinction de ces recherches par rapport aux autres à partir de leur sujet d’étude, l’homme, considéré dans son intégralité.

En donnant aux recherches observationnelles un cadre juridique, le texte en garantit la qualité, ce qui est le meilleur moyen de les promouvoir. Jusqu’à présent, par exemple, l’absence d’un répertoire national les concernant était préjudiciable, en termes de ressources disponibles, tant aux professionnels de santé qu’à l’information du grand public.

Pour faciliter la recherche sur la personne, le texte substitue à un droit complexe et incomplet un dispositif exhaustif et transparent, mais également plus simple, puisque les procédures de déclaration auxquelles devront se soumettre les chercheurs seront allégées.

Sur la base d’un texte dont les grandes lignes étaient déjà porteuses d’avancées notables, la commission des affaires sociales a effectué un travail remarquable, et en premier lieu de clarification.

Tout d’abord, elle a procédé à un certain nombre de clarifications. De manière sans doute un peu artificielle, par goût pour le parallélisme des formes, la première mouture du texte substituait au triptyque existant en matière de classification des catégories de recherches un nouveau triptyque. Or il est beaucoup plus rationnel de ne distinguer que deux catégories de recherches sur la personne, les recherches interventionnelles et les recherches non interventionnelles, quitte à identifier au sein des premières des recherches pour lesquelles les risques encourus sont faibles. Le remplacement de la notion floue de risques et contraintes « négligeables » par celui de risques et contraintes « minimes » est également un facteur de clarification.

Ensuite, la commission a encore amélioré la protection des personnes. D’une part, elle a prévu que les recherches ne comportant que des risques et des contraintes minimes feraient l’objet d’une liste fixée par voie réglementaire. D’autre part, elle a renforcé les modalités d’expression du consentement pour ces recherches en exigeant que toute recherche interventionnelle fasse l’objet d’un consentement écrit et non, seulement, « libre et éclairé », sans plus d’impératif formel.

Enfin, la commission a renforcé l’efficacité des comités de protection des personnes en les coiffant d’une commission nationale susceptible d’unifier leur jurisprudence, ce que nous avions, nous-mêmes, proposé.

D’ailleurs, le groupe de l’Union centriste peut s’enorgueillir d’avoir apporté sa pierre à l’édifice puisque, fait suffisamment rare pour être souligné, tous nos amendements, une vingtaine, ont été adoptés ou satisfaits en commission. Certes, beaucoup d’entre eux étaient très techniques.

Mais certains de ces amendements ont infléchi le texte sur des points importants.

Je ne reviendrai pas sur celui qui consiste à créer une autorité de coordination des comités de protection des personnes, mais tel est aussi le cas de celui qui tend à confier à l’AFSSAPS le pouvoir de police sanitaire sur toutes les recherches sur la personne, ou encore de celui qui permet aux comités de protection des personnes de formuler des avis sur les projets de recherche que les promoteurs français envisagent de conduire en dehors de l’Union européenne.

Sur le plan de l’éthique pure, nous nous félicitons tout particulièrement de l’adoption de l’amendement porté par le président Nicolas About visant à interdire le test de la dose maximale tolérée d’un médicament administré sans lien avec la pathologie de la personne lors des essais dits de « phase I ».

Au cours de la présente discussion, nous défendrons encore quelques amendements portant sur deux objets.

D’une part, il s’agira de corriger une erreur du texte relative à la gratuité des dispositifs médicaux utilisés dans le cadre des recherches interventionnelles à risques minimes. Il n’est pas logique de maintenir l’obligation de fourniture gratuite de ces dispositifs sachant que, dans le cadre de ces protocoles, ils sont utilisés de la même manière par les patients observés même en dehors de toute recherche.

D’autre part, nous entendons assouplir les règles de vigilance médicosanitaire pour les recherches interventionnelles à risques minimes, afin de rendre l’ensemble du dispositif cohérent.

Alors, évidemment, reste à trancher la question des modalités d’expression du consentement aux recherches interventionnelles, dernière pierre d’achoppement substantielle. Nous comprenons les préoccupations éthiques ayant conduit la commission et son rapporteur à durcir le texte. Mais, encore une fois, il faut parvenir à concilier éthique et développement de la recherche. Nous en débattrons tout à l’heure.

Il ne me reste plus qu’à féliciter la commission des affaires sociales, sa présidente, Muguette Dini, et son rapporteur, Marie-Thérèse Hermange, pour la qualité de leur travail. Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe de l’Union centriste est très favorable à ce texte. »

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