En ce premier jour du 92ème congrès des maires et à la veille du début des débats sur la réforme de la taxe professionnelle, pour laquelle je déposerai plusieurs amendements, j’ai adressé avec mes collègues parlementaires centristes une tribune à la presse. J’y expose les conditions requises pour la mise en œuvre d’une réforme territoriale réussie. Je serai particulièrement attentive tout au long des débats à venir, à ce que le texte puisse évoluer de manière à garantir l’autonomie fiscale des collectivités territoriales. S’il convient de réformer aujourd’hui l’organisation territoriale devenue illisible et complexe, je regrette que, à cet égard, la question des compétences et du périmètre des collectivités soient traités après celle de la fiscalité.
Retrouvez ci dessous l’intégralité de la tribune:
« Un débat parlementaire majeur va prochainement s’ouvrir sur la future organisation territoriale de notre pays. Chacun s’accorde à considérer que cette réforme s’impose, que l’on a vécu un empilement année après année des structures, que les dépenses publiques sont toujours plus importantes sans pour autant que l’efficacité soit au rendez-vous.
Nos compatriotes ne savent plus qui fait quoi : communes, communautés de communes, pays, départements, régions, État… Il est donc urgent d’agir. La décentralisation, c’est à dire l’action au plus près du terrain, c’est un marqueur génétique du Nouveau Centre, l’UDF d’aujourd’hui.
Il y a tout à la fois une exigence à renforcer, à démocratiser et à améliorer l’efficacité de l’action publique locale. Il ne s’agit de rien d’autre que de permettre un nouveau dynamisme aux grandes villes, de donner un rôle moteur à la région Ile-de-France et aux métropoles, de redonner confiance à la ruralité aujourd’hui en pleine mutation, mais aussi de créer un nouveau modèle d’organisation territoriale capable de rivaliser avec ceux qui nous entourent au niveau européen.
Près de 27 ans après les premières lois de 1982, il faut écrire un nouvelle page de la décentralisation.
Quatre principes doivent selon nous, guider cette grande réforme qui peut constituer l’an 2 de la décentralisation.
Premier principe : le respect de l’équilibre des territoires entre zones urbaines et zones rurales. Il ne saurait y avoir de laissés pour compte d’une réforme qui doit permettre l’expression de tous les territoires, dans leur diversité et dans leur identité propre. Cela rend indispensable la mise en place d’un mécanisme de péréquation pour garantir une solidarité tangible entre les territoires. La réforme sera d’autant plus réussie qu’elle permettra à la fois l’émergence de grandes métropoles comme on en trouve en Europe, d’agglomérations et de réseaux de villes avec des compétences renforcées, mais également d’un modèle nouveau pour la ruralité en permettant à des bassins de vie de s’organiser pour répondre aux attentes des concitoyens. Place devra être faite à l’expérimentation et souplesse sera donnée aux élus qui souhaiteraient sur la base unique du volontariat modifier le périmètre des régions.
Deuxième principe : l’autonomie fiscale des collectivités territoriales. Depuis 20 ans, chaque année, elle décroit, les collectivités territoriales étant constamment sous perfusions de l’État par le jeu des dotations. Or l’autonomie fiscale, fondée sur une spécialisation des ressources pour chaque niveau de collectivité, est garante de la liberté locale, de la liberté d’entreprendre, d’agir, d’innover… L’autonomie fiscale, c’est aussi la condition d’une véritable responsabilisation de la dépense locale, sous le contrôle démocratique des citoyens : à l’accroissement de la dépense doit correspondre, inexorablement, une augmentation de l’impôt. A travers la fiscalité locale, nous souhaitons également maintenir le lien entre les entreprises et les collectivités territoriales. Fidèles à l’esprit girondin, nous entendons bien porter dans cette réforme, comme nous l’avons toujours fait, le flambeau de l’initiative locale et du développement des territoires.
Troisième principe : simplifier les structures et les compétences. Il faut rationaliser les structures autour de deux blocs « départements-régions » et « commununes intercommunalités ». Le rapprochement des assemblées départementales et régionales grâce aux conseillers territoriaux doit permettre de clarifier les compétences, d’organiser la complémentarité entre les régions et les départements et de laisser aux communes et/ou communautés de communes (ou d’agglomération) la clause de compétence générale. On retrouve parfois jusqu’à quatre échelons compétents sur un dossier. Cette complexité a conduit à la création de 500 000 emplois de fonctionnaires territoriaux supplémentaires en 20 ans sans améliorer à due proportion le service rendu à nos concitoyens !
Quatrième principe : le pluralisme des opinions politiques. Cette réforme doit enfin permettre l’expression d’opinions politiques diverses, notamment lorsque demain il faudra élire nos conseillers territoriaux. Nous sommes favorables à un mode de scrutin mixte, pour moitié proportionnel et pour moitié majoritaire comme c’est le cas en Allemagne. Assurer la diversité des sensibilités politiques et la représentation des territoires dans un même scrutin est une exigence démocratique. Mais ne laissons pas s’installer l’idée de l’introduction systématique dans notre pays d’un mode de scrutin à un seul tour qui serait contraire à la diversité des expressions politiques en France et à notre idéal démocratique. Saisissons enfin la réforme territoriale pour engager une réforme courageuse du statut de l’élu, acteur essentiel de la démocratie locale.
Le respect de ces quatre principes conditionne à nos yeux le succès d’une réforme majeure qui doit éviter le piège d’une recentralisation des pouvoirs qui signerait une caporalisation, une mise sous tutelle des collectivités. Les élus locaux, comme les associations, les chambres professionnelles, tous ces corps intermédiaires ne sont rien d’autres que la respiration économique, politique et sociale dont notre pays a besoin. Il faut s’appuyer sur les acteurs de la vie locale pour relever le défi de la mutation de notre pays et mieux préparer l’avenir. C’est au coeur des territoires que se dessine déjà la France de l’après-crise. Une France d’innovation et de solidarité que cette nouvelle ère de décentralisation devra porter et encourager. »