Le Parlement a définitivement adopté le projet de loi relatif à la diffusion et à la création sur Internet. Vous trouverez ci-joint l’intervention que j’ai faite en séance publique :
« Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,
Chaque jour, plus de 8 million de MP3, et plus d’un demi-million de films sont échangés illégalement sur internet. Ces chiffres, très alarmants montrent à quel point les industries culturelles, musicales et cinématographiques sont menacées. Ils rappellent l’urgence de trouver une réponse adaptée afin d’endiguer ce phénomène d’atteinte massive aux droits de propriété intellectuelle et à la création. Le contournement sur internet des règles de la propriété intellectuelle demeure à ce jour assimilé au délit de contrefaçon passible dans notre arsenal juridique de 3 ans de prison et 300 00 euros d’amende.
Pragmatique, le groupe centriste approuve donc la mise en œuvre de mesures alternatives à cette pénalisation systématique et inapplicable des internautes instituée par la loi DADVSI, contre laquelle d’ailleurs il avait voté.
Notre groupe a toujours montré son attachement à la prévention et à un système mesuré de graduation des sanctions.
Pour être précise, je dois dire que certains membres de notre groupe émettent des réserves sur ce qui est qualifié de double peine, à savoir la suspension de l’accès à internet, attachée à la poursuite du paiement de l’abonnement.
Pour autant ils mesurent les difficultés que cela suscite pour les offres triples-play, il est vrai que le principe de la suspension partielle (TV et téléphone doivent rester disponibles) implique de déterminer le cout individualisé de l’accès à internet, ce qui est difficilement mesurable du fait de la mutualisation des coûts d’exploitation de la boucle locale et du service ADSL. Autrement dit, dans la mesure où le projet de loi implique de dissocier des services qui sont toujours été proposés dans le cadre d’offres forfaitaires globales et que cette dissociation à un cout important, et la vraie question est de savoir qui doit supporter ce coût.
Convenons en, il apparaissait donc difficile de faire supporter aux FAI les conséquences engendrées par les téléchargements illégaux d’un de ses abonnés. De la même manière, doit-il revenir aux contribuables de s’acquitter des conséquences de cette faute, en supposant que l’Etat aurait été mis à contribution ?
Au-delà des ces questionnements, je tenais à revenir sur les avancés du projet auxquelles le groupe centriste est particulièrement sensible :
En premier lieu, le texte issu de la CMP ne remet pas en cause les grands équilibres atteints à l’issue des accords interprofessionnels dits de l’Elysée qui ont été à la base du travail et de l’élaboration du projet de loi. De même, il ne remet pas en cause les grands équilibres du texte tel que voté en première lecture au Sénat et sur lequel s’était dégagée une quasi unanimité de notre assemblée.
En second lieu, s’agissant du procédé de désignation président de la HADOPI :
Un amendement avait été adopté par nos collègues députés: la nomination du Président de la HADOPI par décret. Or, le texte adopté au Sénat prévoyait que le président de la HADOPI soit élu au sein des membres du collège de la Haute assemblée.
J’ai été particulièrement sensible à cette modification, car c’est notre groupe qui avait été porteur, lors de son examen par la Haute assemblée, de l’amendement qui prévoyait d’abandonner cette nomination par décret au profit d’une élection. Par ce système d’élection, sur le modèle de celui retenu par la CNIL, c’est l’indépendance et l’impartialité de la Haute autorité qui se trouvent garanties.
Le travail au sein de la commission mixte paritaire a permis de restaurer de procédé de désignation adopté au Sénat en première lecture: le président de la HADOPI sera bien élu parmi les membres du collège.
Le texte issu de la CMP confirme également les dispositions en faveur d’une mise à disposition plus immédiate de l’offre légale, que ce soit dans le domaine de la musique (avec un amendement que j’avais déposé et qui a permis la suppression des DRM, levant un des principaux freins au déploiement des nouvelles offres) ou des œuvres cinématographiques, pour lesquelles la CMP a finalement tranché en faveur du dispositif voté à l’Assemblée nationale qui prévoit un délai ramené à 4 mois entre la sortie en salle et l’exploitation sous forme de vidéogramme.
Pour autant, nous sommes conscients que cette loi ne règle pas définitivement la question du téléchargement illégal et plus largement celle du piratage numérique. Les technologies évolueront toujours plus vite que le droit. Il faudra s’adapter et le législateur devra, à la lumière des travaux de la HADOPI qui est chargé de veiller aussi bien à limiter les mauvaises pratiques qu’à susciter les bonnes, réfléchir à des améliorations futures.
Je le répète, cette loi, qui ne sera certainement que transitoire, doit être une étape importante dans une prise de conscience collective.
Une prise de conscience de la part des internautes tout d’abord : il est indispensable de faire passer un double message clair : la culture a un cout et les droits de propriété intellectuelle doivent être respectés. A quoi bon multiplier les canaux de diffusion si, à terme, la diversité des contenus disparait ? Si les contenus étrangers deviennent prédominants et que la création française a été asséchée ?
Je me félicite que l’on soit parvenu à un texte qui favorise, et accompagne, de nouveaux usages, à la fois protecteurs des œuvres et ouverts au monde de la création, venant se substituer aux pratiques qui nuisent à la création.
Les consommateurs peuvent aujourd’hui naviguer d’une plateforme de téléchargement à une autre et d’un baladeur à l’autre en gardant la pleine jouissance d’œuvres légalement acquises. Le marché du disque vendu à l’unité a fait long feu et s’ouvre aujourd’hui une profusion de nouveaux modèles : plateforme légales mais aussi streaming, catalogues, des offres technologiques conviviales et au prix attractif.
Une prise de conscience également de la part des créateurs (producteurs, éditeurs, réalisateurs, artistes). En effet, ils doivent aussi se remettre en cause et penser à s’adapter, à trouver de nouveaux modèles économiques adaptés à l’ère du net. Il faut aussi qu’ils se rendent compte des évolutions et que le phénomène « internet » n’est pas temporaire mais qu’il est aujourd’hui une réalité durable qu’il faut transformer en atout plus qu’à chercher à le combattre.
L’ensemble des acteurs concernés, les propriétaires et fournisseurs de contenus, doivent se rapprocher encore davantage et l’expérience montre aujourd’hui que le monde de la création et le monde numérique ne peuvent plus continuer à s’ignorer. Ils doivent réfléchir ensemble au développement de moyens innovants qui permettront demain d’offrir aux internautes les possibilités d’un accès aux savoirs et aux œuvres de la création.
Enfin, concernant les sanctions, je suis heureuse que le texte final favorise la transaction, plus pédagogique, ce qui reste l’objectif premier de cette réforme. Le passage de la suspension de l’accès internet à 2 mois rétabli un différentiel, rendant la transaction plus « attractive ». Certains ont vu dans ce retour à un minimum de 2 mois un renforcement de la répression : en réalité l’objectif est tout autre : il s’agit renforcer l’attractivité de la transaction face à la sanction « sèche ». Or, je reste persuadée qu’une transaction entre la HADOPI et l’abonné pour l’établissement de la sanction sera toujours gage de plus de souplesse, mais, surtout, renforcera le caractère pédagogique de la sanction.
Enfin, je terminerai en évoquant la prévention. Je l’ai déjà dit, l’objectif avec la réponse graduée est de faire évoluer les mentalités et les comportements.
L’éducation et la pédagogie nous semblent essentielles pour que les jeunes générations prennent conscience des conséquences du téléchargement illicite sur la création artistique. En 2006, lors des travaux sur la loi DADVSI, nous avions plaidé l’importance de l’éducation de nos concitoyens à la culture tant ces pratiques de téléchargement peuvent accréditer l’idée que tout est gratuit et que la culture ne coûte rien. Or c’est méconnaître l’investissement personnel, intellectuel et financier ainsi que le travail des artistes.
Sachant cela comment peut-on laisser dire qu’encadrer l’utilisation des œuvres est une atteinte aux droits essentiels de l’homme revêtant un caractère liberticide ? C’est ce qu’accréditent certain de nos collègues, ce que je trouve consternant.
Je me félicite que le texte prévoit toujours une information des élèves dans le cadre de l’éducation nationale. Il est également bien venu que les fournisseurs d’accès à internet soient mis à contribution dans les actions de sensibilisation des internautes par des messages appropriés.
En tout cas, il ne faut pas perdre de vue que l’enjeu de ce projet de loi est bien d’assurer l’avenir de la création culturelle. II faut garantir un juste équilibre entre les droits légitimes des auteurs, sans lesquels il ne saurait y avoir de création artistique et culturelle, et les droits des citoyens à l’accès, au partage et à la diffusion de la culture, des savoirs et de l’information que permet ce formidable espace de liberté qu’est internet.
Il convient en tout cas de rester humble dans le traitement de ce sujet difficile.
Aussi je tiens à saluer le travail de chacun, bien sûr celui de mon collègue Michel Thiollière mais aussi celui de Bruno Retailleau qui a eu le mérite de poser avec courage de bonnes questions même si certaines n’ont pas encore obtenu de réponses.
Vous l’aurez compris mes chers collègues le groupe UC votera ce texte. »