Comme l’ensemble de mes collègues qui sont intervenus dans ce débat, je ne peux que me réjouir de voir ce projet de loi enfin examiné par le Parlement, car il faut bien dire que son inscription à l’ordre du jour est attendue depuis de nombreuses années. J’y suis particulièrement sensible, vous le comprendrez, en tant que membre du groupe d’études des droits de l’homme du Sénat.
En effet, l’institution de la Cour pénale internationale, qui en est encore à ses premiers pas, suscite de nombreux espoirs. Beaucoup « d’affaires », ces dernières années, sont venues rappeler l’existence de nombreux obstacles juridiques et diplomatiques à l’exercice d’une justice internationale.
L’inscription de ce deuxième volet de l’adaptation de notre législation interne à la convention de Rome à l’ordre du jour des assemblées traduit avant tout l’engagement international de la France, laquelle a eu un rôle moteur, il convient de le rappeler, dans la création de la Cour pénale internationale.
L’adoption de ce projet de loi, ainsi amendé et complété par le Sénat, facilitera la coopération avec la Cour pénale internationale dans le jugement « des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale ».
Il était en effet urgent d’adapter notre droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale, car la France a pris en la matière un retard préjudiciable par rapport à la plupart de ses voisins européens.
L’inscription dans le droit pénal français des infractions prévues par le statut de Rome est indispensable en raison du principe de complémentarité entre la CPI et les États parties, puisque c’est à eux qu’il appartient en premier lieu de juger selon leurs procédures internes les individus ayant commis des crimes relevant de la compétence de la Cour.
Dans ce cadre, le projet de loi vient renforcer la répression des crimes internationaux sur plusieurs aspects que je ne rappellerai pas à ce point du débat.
Je voudrais saluer le travail de notre assemblée, et en particulier celui du rapporteur, qui a permis d’apporter des précisions utiles et de rapprocher notre législation des termes de la convention de Rome.
Deux questions ont fait l’objet de débats très intéressants : l’imprescriptibilité des crimes de guerre et la reconnaissance de la compétence universelle des juridictions françaises.
Sur la question de l’imprescriptibilité, je suis sensible aux arguments qui ont été développés au cours de la discussion, notamment par notre rapporteur et par M. Badinter. En effet, je crois important de réserver, comme le fait le droit français actuel, l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité afin de marquer la spécificité de ces crimes et de ne pas les « banaliser » par rapport aux crimes de guerre.
S’agissant de ces derniers, le projet de loi apporte déjà des avancées notables, en allongeant les délais de prescription de l’action publique de dix à trente ans. Je sais que certaines associations regrettent que les crimes de guerre ne bénéficient pas de la même imprescriptibilité que les crimes contre l’humanité, mais, comme l’a souligné M. Badinter, ceux-ci justifient à eux seuls une dérogation aux règles habituelles de la prescription.
S’agissant maintenant de la compétence universelle, je salue l’évolution du projet de loi sur cette question. Il faut dire que nous partions d’assez loin… Si nous comprenons tous les difficultés diplomatiques que peut engendrer la « compétence universelle », le risque de laisser subsister un espace d’impunité en Europe pour les auteurs de crimes internationaux est inacceptable. L’effet dissuasif de la compétence universelle est un argument convaincant, surtout quand on sait que la grande majorité des États européens l’ont admise.
Certes, tel que le dispositif a été voté, la mise en œuvre de cette mesure est très encadrée. À titre personnel, j’aurais souhaité qu’elle soit élargie, mais elle n’en reste pas moins inscrite dans notre code pénal, soulignons-le, ce qui constitue une avancée considérable. Il s’agit d’un premier pas important vers une application plus effective de ce principe. C’est pourquoi je me félicite que notre assemblée engage notre pays sur la voie de la compétence universelle.
La navette parlementaire permettra sans doute de réfléchir plus avant sur les nuances sémantiques et d’éclairer le choix entre les verbes « se trouver », « résider », assortis ou non de l’adverbe « habituellement » …
En tout état de cause, je voulais souligner cette avancée notable.
Dans l’ordre mondial actuel, et compte tenu des évolutions du contexte international, alors que les frontières n’ont plus le même sens qu’au siècle dernier, l’existence de cette justice pénale internationale est une absolue nécessité.
C’est pour cette raison, vous l’aurez compris, que le groupe de l’Union centriste-UDF votera ce projet de loi.