Hier, le Sénat examinait les crédits de la mission Médias et avances à l’audiovisuel public pour 2008. Vous trouverez ci-dessous le texte de mon intervention en séance.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues,
Depuis votre prise de fonction rue de Valois, le gouvernement a ouvert de nombreux chantiers de réforme de l’audiovisuel public à la fois pour l’adapter aux évolutions technologiques mais aussi pour engager une réforme des structures. Un « Grenelle de l’audiovisuel » a même été évoqué.
Ces chantiers font, pour le moment l’objet de consultations, de réflexions ou d’arbitrage. Je pense notamment à la rationalisation de l’audiovisuel extérieur ou encore à la mission confiée à David Kessler et Dominique Richard. Nous attendons les décisions du gouvernement sur ces questions qui sont déterminantes pour l’avenir de notre politique audiovisuelle.
Dans cette perspective et au-delà de l’augmentation de 3,6% du budget de l’audiovisuel public, je souhaite évoquer devant vous les moyens accordés aux organismes du service public de l’audiovisuel pour faire face à ses objectifs et relever les défis, notamment technologiques, en cours et à venir.
Pour les chaînes certaines évolutions ont déjà été prises en compte dans les Contrats d’objectifs et de moyens (COM). Ainsi pour le groupe France Télévisions, le COM, signé en avril dernier, fixe des obligations et des objectifs ambitieux : le renforcement de la spécificité éditoriale des chaînes du service public ; le développement des nouvelles technologies audiovisuelles ; la modernisation de la gestion du groupe.
Plus largement, ce secteur est marqué par des bouleversements technologiques nombreux : l’extinction de la diffusion analogique et le passage au numérique induisent de nombreux coûts pour les chaînes du service public qui doit assurer de par la loi la continuité de réception de ses services.
Toutes les chaînes sont également confrontées au développement des programmes en haute définition. Avec la Télévision Numérique Terrestre (TNT), les chaînes vont progressivement devoir généraliser leur offre de programmes en haute définition. Cet investissement est très coûteux. En outre, le développement de la télévision par Internet oblige les chaînes à développer des services adaptés à ces nouveaux supports et aux nouveaux usages d’un public habitué à l’interactivité. C’est le cas notamment des offres de vidéo à la demande (VOD) développées par les chaînes publiques et notamment par Arte avec « Arte global ».
Enfin, dernière mutation technologique, le développement de la télévision mobile personnelle. Son lancement, annoncé pour la Coupe du monde de Rugby, a pris un peu de retard et est désormais attendu à l’occasion des Jeux Olympiques de Pékin de 2008. La TMP obligera les chaînes de télévision à concevoir et développer des programmes spécifiques, courts et interactifs adaptés à ce support. A ces coûts de production des programmes, il faut ajouter les coûts de diffusion sur les réseaux des opérateurs de téléphonie mobile.
Ces investissements représentent des coûts importants pour les chaînes et ils n’ont pas toujours été prévus (et financés) dans les COM conclus entre l’Etat et les organismes publics.
Parallèlement à ces évolutions technologiques, les chaînes publiques se trouvent confrontées à une concurrence exacerbée. La présence des 18 chaînes gratuites sur la TNT vient affecter l’audience des chaînes dites historiques. La perte d’audience qui s’ensuit se traduit par une perte de leurs ressources publicitaires. Ainsi, France Télévisions voit ses recettes publicitaires augmenter d’à peine 1,2% en 2007. On ne peut donc compter sur une augmentation des ressources publicitaires pour assurer le financement de la télévision publique. Cette concurrence a également des conséquences sur les achats de droits d’œuvres cinématographiques et télévisuelles qui connaissent une surenchère, ce qui a pour conséquence d’augmenter le coût de la grille.
En regard de ces évolutions, les chaînes du service public doivent faire face aux obligations légales précisées dans leurs cahiers des charges, notamment celles qui concernent la création. Je pense en particulier à la diffusion d’œuvres européennes et françaises aux heures de grande écoute ou à la contribution à la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles.
Le législateur a également imposé à France télévisions de se lancer dans une politique de sous titrage des programmes pour les sourds et malentendants. Ces obligations sont utiles tant pour la création que pour l’accessibilité des programmes mais elles sont aussi coûteuses.
L’ensemble des ces investissements pèsent sur les charges des organismes de l’audiovisuel public qui ne voient pas leurs ressources évoluer en conséquence. Le niveau actuel de la redevance ne leur permet pas d’assurer convenablement leurs missions et de financer les investissements technologiques nécessaires. Or si nous voulons conserver une télévision publique avec des programmes de qualité se distinguant des chaînes privées, il est nécessaire de lui en donner les moyens.
Je crois que nous devons engager une réflexion – et elle l’est déjà en partie – sur le financement que nous voulons pour l’audiovisuel public. Le système de financement de notre audiovisuel public, comme celui de beaucoup de nos voisins européens, repose d’une part sur les recettes publicitaires et d’autre part sur la redevance. Dans notre pays, ce système s’essouffle parce que ces ressources ne sont pas assez dynamiques. Il est temps de l’adapter à la hausse des coûts et aux exigences des téléspectateurs.
Comme vous le savez, le montant de la redevance française est un des plus bas d’Europe et un des seuls à ne pas être indexé sur l’inflation. Si on constate une hausse du produit de la redevance cette année encore, c’est le résultat de l’amélioration du rendement de la redevance suite à la réforme de 2004 qui a adossé sa perception à la taxe d’habitation. Quant aux recettes publicitaires, leurs perspectives d’évolution ne sont pas favorables : elles vont stagner du fait de la baisse d’audience et de la baisse des investissements des annonceurs sur les chaînes de télévision.
S’il est possible et nécessaire de réaliser des économies grâce à des synergies importantes au sein du groupe France Télévisions, ce ne sera pas suffisant pour dégager de nouvelles ressources pour le service public. Il n’existe que deux solutions: soit augmenter les ressources publicitaires, soit augmenter les recettes issues de la redevance.
S’agissant de la première option, cela consiste à revoir les règles actuellement applicables à la publicité télévisée. Parmi les solutions possibles, sont régulièrement évoquées dans le cadre de la transposition de la directive « Services de médias audiovisuels sans frontières » l’augmentation du volume horaire publicitaire pour les chaînes du service public, le passage de la notion d’heure glissante à l’heure d’horloge ou encore l’augmentation de la publicité dans les émissions de flux, évoquée par le président de la République et reprise par le président de France Télévisons. Si ces propositions méritent réflexion, il faut néanmoins avoir à l’esprit qu’augmenter la publicité sur ces chaînes risque de conduire à leur assimilation à leurs concurrents privés.
Concernant la redevance, qui permet aux organismes de l’audiovisuel public d’affirmer leur identité et leur différence, il y a trois pistes pour rendre cette ressource plus dynamique. Tout d’abord, l’augmentation du montant de la redevance et son indexation sur l’inflation. Cette année, comme depuis 2002, elle est à 116 euros. En outre, contrairement à d’autres impôts elle n’est pas indexée sur l’inflation, ce qui n’est aucunement justifié. C’est pourquoi, les commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat ont défendu d’une part une légère augmentation de la redevance afin de ne pas grever le budget des ménages et d’autre part son indexation sur l’indice des prix. La redevance serait aujourd’hui à environ 128 euros si elle avait suivi l’indice des prix depuis 2002. Ensuite, la stricte application du principe de remboursement intégral des exonérations pour motifs sociaux par l’Etat. Il n’est pas normal que le budget de l’audiovisuel public finance des politiques sociales. Enfin, la taxation des nouveaux supports. Aujourd’hui, une instruction fiscale exonère les ordinateurs équipés pour la réception des chaînes de télévision alors qu’ils constituent un « dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour l’usage privatif » tel que défini par l’article 1605 du code général des impôts. A l’instar de l’Allemagne et conformément au principe de neutralité technologique, il faut élargir l’assiette de la redevance à tous les supports permettant la réception des programmes télévisés.
Le président de la République, Nicolas Sarkozy, conscient des mutations technologiques et de l’accroissement de la concurrence dans ce secteur, a admis, pendant la campagne présidentielle, le manque de moyens de l’audiovisuel public pour se développer.
Madame la ministre, vous vous dites attachée à l’augmentation des ressources financières de l’audiovisuel public. Il est donc difficile de comprendre la fin de non recevoir adressée à la demande du président de France Télévisons d’augmenter ses ressources publicitaires par le biais de la coupure publicitaire dans les émissions de flux. Cette mesure, en étant conditionnée, aurait pu être favorable à la création et aux programmes culturels.
Nous regrettons également la position du gouvernement et de la commission des finances rejetant l’amendement d’équité de la commission des affaires culturelles du Sénat visant à fixer le montant de la redevance à 120 euros sous prétexte de ne pas affecter le pouvoir d’achat.
Certes, cette année le produit de la redevance augmente de + 3,6%. Cela s’explique principalement par la fin des exonérations dont bénéficiaient certaines personnes âgées. Il n’en sera pas de même en 2009. En effet, sauf ressources nouvelles, les contrats d’objectifs et de moyens ne pourront pas être honorés par les organismes de l’audiovisuel public.
Le groupe UC-UDF souhaite que vous meniez à bien l’ensemble de ces réformes. Cependant, nous jugeons essentiel que la question des moyens de l’audiovisuel public soit rapidement traitée. Nous voterons donc les crédits des missions « Médias » et « avances à l’audiovisuel public » pour 2008 en espérant voir ces réformes aboutir dans le cours de l’année 2008.