Nous devons instaurer un « cordon sanitaire » entre les administrations publiques sensibles et les acteurs privés étrangers dominants.
Alors que, pour la seconde fois, la commission de déontologie compétente va se pencher le 14 février prochain sur la situation de Benoît LOUTREL, directeur général de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), qui souhaite rejoindre Google France, je réitère mes fortes préoccupations exprimées dès l’annonce de ce départ il y a trois semaines.
En effet, les arguments avancés par la direction de l’Arcep pour tenter de justifier un tel départ sont des plus faibles. Les enjeux soulevés par le Numérique sont transversaux, ce dernier bouleverse tous les secteurs d’activité. Aussi l’argument selon lequel l’Arcep ne régule pas le secteur des services en ligne n’est pas pertinent. A fortiori quand il s’agit d’une entreprise comme Google, qui au-delà de son moteur de recherche ne cesse de se développer une multitude de services connexes, notamment dans celui des Télécoms.
Comment les acteurs français et européens de l’écosystème numérique peuvent-ils désormais accorder leur confiance à l’Arcep quand son Président, qui a explicitement manifesté son intention de réguler des services en ligne, voit ses plus proches collaborateurs être embauchés, sans laps de temps « de réserve », par un acteur numérique privé en position dominante ? Se posent forcément les questions de la confidentialité des informations échangées et de la responsabilité et de l’impartialité même de cette autorité.
Finalement, c’est une sorte de « cordon sanitaire » qu’il faudrait mettre en place entre les administrations publiques sensibles et les acteurs privés étrangers dominants. Il faut enfin aller au-delà des intérêts privés sur ces questions qui touchent aux intérêts supérieurs de la Nation et à notre souveraineté. Qui plus est dans le contexte international très troublé que nous connaissons…
Le Sénat a, pour sa part, récemment souhaité prévenir ce type de situation en adoptant la Proposition de loi portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, un texte déposé à l’initiative du Sénateur Jacques MEZARD. Le Sénat souhaitait ainsi interdire à un membre d’une autorité administrative ou publique indépendante d’exercer parallèlement une activité dans le secteur régulé par l’autorité au sein de laquelle il siège.
Je déplore que, sur ce point, l’Assemblée nationale ait supprimé ces nouvelles règles au motif qu’elles étaient « inutilement contraignantes » et privaient les autorités de la possibilité de bénéficier de « l’expertise de membres » sur les secteurs régulés.
En deuxième lecture, le Sénat avait alors proposé une restriction uniquement pour l’avenir en proscrivant à un membre d’une telle une autorité d’accepter des fonctions dirigeantes au sein d’une entreprise distincte ou une nouvelle activité professionnelle « en lien direct avec le secteur dont l’autorité dont il est membre assure le contrôle ». En deuxième lecture, cette proposition a malheureusement été une nouvelle fois écartée par l’Assemblée nationale.
J’estime que ce départ de M. LOUTREL est un cas particulièrement emblématique d’un mouvement de fond. La porosité entre secteurs public et privé en position dominante va s’accélérer : nous devons être vigilants. Je le serai pour ma part, dans l’attente de la décision de la commission de déontologie.