Veuillez trouver ci-dessous mon courrier à madame la Ministre de la Culture et de l’Education, au sujet de la décentralisation des enseignements artistiques, afin de dénoncer la situation intenable suite à non-application de réforme 2004 alors que les enjeux sont considérables.
Paris, le 31 octobre 2013
Madame la Ministre,
Les enseignements artistiques participent de l’aménagement du territoire. Ils contribuent à la richesse des possibilités d’accès à la culture, aussi bien dans le domaine de la danse, du théâtre que dans ceux de la musique ou des arts graphiques.
Au moment où le gouvernement engage une profonde réforme des rythmes scolaires, ils constituent un enjeu essentiel pour offrir aux jeunes un accompagnement de qualité et des parcours culturel leur permettant un réel épanouissement.
Les bases de la réforme ont été jetées par la loi relative aux libertés et responsabilités locales, en 2004, qui confiait la responsabilité de ces enseignements aux collectivités territoriales, sans pour autant en définir précisément les tenants et les aboutissants. Les conditions du succès de la réforme envisagée étaient exposées dans le bilan d’étape présenté dans mon rapport d’information de 2008. Elles étaient et restent essentiellement d’ordre financier et méthodologique : expérimentations régionales, clarification des débouchés professionnels des formations artistiques, gouvernance régionale des enseignements ou encore coopération intercommunale.
A l’automne 2012, le Gouvernement avait affiché un « grand plan pour l’éducation artistique et culturelle à l’école » qui devait s’inscrire dans le projet de loi sur la refondation de l’école. L’objectif affiché était ainsi de vouloir conforter le parcours d’éducation artistique et culturelle de tous les jeunes. Bien que fervent soutien de ce plan à son origine, je n’ai pu que constater que les intentions du gouvernement n’ont été que des déclarations d’affichage, et ce pour deux raisons.
Premièrement, ce « plan » n’a en aucun cas été la traduction d’une vision globale et stratégique d’ambition, ni même plus modestement des missions, que l’on attachait à la formation artistique à laquelle nos jeunes concitoyens sont en droit d’avoir accès.
Mes rapport (2008 et 2011) sur le sujet, rappellent que cette formation repose à la fois sur l’éducation artistique (sensibilisation permanente aux arts et la culture à l’école) mais également sur l’enseignement artistique (apprentissage d’une discipline artistique dispensée au sein d’écoles spécialisées que sont notamment les conservatoires) dont la réforme de 2004 n’est toujours pas appliquée suite à l’attentisme, puis au blocage, des régions. Ce n’est pas faute d’avoir fait des propositions dans ma proposition de loi visant à l’améliorer.
Deuxièmement, après une baisse déjà regrettable des crédits consacrés au soutien aux établissements spécialisés enregistrée en 2013 (219, millions, soit un baisse de 25%), le projet de budget pour 2014 prévoit une nouvelle baisse, faisant passer ces mêmes crédits à 15 millions d’euros. D’ailleurs on note aussi que cet enseignement spécialisé n’est même plus pris en considération dans les indicateurs de performance du ministère, ni même cité….
C’est ainsi un pan entier de l’action publique dans le domaine culturel, ce sont des centaines d’établissements et surtout des milliers de professionnels compétents pour accueillir accompagner et former nos enfants, qui se sentent ainsi méprisés, et dont le rôle est ainsi oublié.
Quand on sait que les régions socialistes ont refusé ces dernières années la mise en œuvre de la loi de 2004, estimant que l’enveloppe qui devait leur être transférée était insuffisante, on ne peut que s’étonner. En tout état de cause, on mesure ici la volonté du Gouvernement d’enterrer cette réforme dont l’ambition était bien d’ouvrir l’enseignement artistique au plus grand nombre, notamment aux amateurs, et de répartir la charge sur les différents niveaux de collectivités selon leur compétence.
Cette baisse des dotations est d’autant plus regrettable que l’Acte 3 de la Décentralisation, découpé en trois textes sans cohérence d’ensemble, ne relève pas ce défi de clarification pourtant essentiel. Je ne peux que déplorer d’une part le blocage de la réforme de 2004 au-delà des clarifications et des propositions que mon rapport avait pu apporter dans l’intérêt général, ainsi que des expérimentations conduites sur le terrain. Deux régions ont ainsi procédé à ces expérimentations avec succès il était logique qu’une mise en œuvre rapide de la loi de décentralisation s’opère, assortie des crédits correspondants.
Madame la Ministre, au final, la non application de la loi de 2004 conduit à toujours plus d’inégalités. Devant subir en plus le nouveau désengagement de l’État, les communes ou groupement de communes, risquent de se voir contraints d’appliquer des tarifs en hausse, empêchant un certain nombre de personne de s’inscrire.
Plus que jamais l’apprentissage du théâtre, de la musique, de la danse, ou des arts plastiques se trouve réservé à une élite. Enfin, alors que c’est sur une préconisation de mon rapport de 2008 qu’avait été relancé le Conseil des Collectivités Territoriales par Madame Christine Albanel, je regrette d’en avoir été ensuite écartée depuis votre prise de fonction.
A la veille de la rédaction de l’Acte 3 de la Décentralisation, je regrette par-dessus tout de n’avoir pu obtenir un entretien avec vous pour discuter de l’application de cette réforme. Entretien que m’a pourtant accordé Madame Escoffier. Madame la ministre, la réforme des enseignements artistiques doit enfin être engagée, pour en préciser les missions, les moyens, ainsi que les niveaux de compétence qui doivent y être impliqués.
Ce devrait être une des priorités de votre ministère. Le statut quo conduirait à une profonde régression et mettrait les collectivités en grande difficulté.
Vous remerciant de l’attention que vous porterez à cette requête et des éléments de réponse que vous pourrez m’adresser, je vous prie de croire, Madame la Ministre, en l’assurance de ma haute considération.