Vous trouverez, ci-dessous, l’intervention que je prononcerai, aujourd’hui, au Sénat, sur l’article 49 du projet de loi pénitentiaire, portant sur l’encellulement individuel :
« Au cœur de ce projet de loi attendu depuis tant d’années, se trouve la question fondamentale de l’encellulement et de ses modalités dont nous allons débattre au travers de cet article et qui a déjà été évoquée par de nombreux orateurs lors de la discussion générale.
A la différence du Gouvernement, la Commission des lois a tenu à réaffirmer le principe de l’encellulement individuel. Je salue ici le souci d’humanisme de nos collègues rapporteurs Jean René Lecerf et Nicolas About qui s’opposent ainsi à la banalisation juridique de l’encellulement collectif. Les drames que nous avons vécus ces derniers temps, et élue de cette ville je ne peux m’empêcher de penser en particulier à la maison d’arrêt de Rouen, confirment que l’affirmation de ce principe dans la loi est indispensable d’une part au nom du respect de la dignité de la personne humaine, et de son intégrité physique et psychique et d’autre part afin d’être en conformité avec les normes européennes. Même si nous savons tous qu’en pratique et qu’au regard de l’état des prisons françaises, ce principe ne peut être pleinement respecté, il n’en demeure pas moins que le législateur doit affirmer ce principe du droit à l’encellulement individuel et que les pouvoirs publics doivent prendre les mesures nécessaires pour tendre vers cet objectif. Ce n’est pas le droit qu’il faut aligner sur la pratique mais la réalité qui doit se conformer aux règles de droit. Un nouveau moratoire de 5 ans est d’ailleurs prévu pour mettre en adéquation le droit et la réalité.
A cet égard, le nombre de cellules collectives nouvelles rénovées ou créées ne doit pas être exagérément important par rapport à celui des cellules individuelles et les affectations ne doivent pas être éloignées du milieu familial. Ainsi à la prison de Rouen,- pardonnez-moi de reprendre l’exemple d’une situation que je connais bien, mais cela doit être pareil ailleurs,- il y a peu de demandes d’encellulement individuel car les détenus savent qu’ils seront envoyés à Bordeaux au mieux ou à Saint Pierre et Miquelon ! Ils n’exercent donc pas ce droit qui reste, par ses modalités d’application, assez virtuel.
Bien sûr, ce principe ne doit pas être une règle absolue et il peut y être dérogé dans un certain nombre de cas expressément prévus. Les directeurs de prison ont en effet besoin de souplesse dans l’application des règles édictées, d’autant plus si on leur reconnaît une entière responsabilité en matière d’affectation.
Bien évidemment aussi les efforts consentis et les progrès accomplis ne seront porteurs de changements que si la population carcérale n’augmente pas de façon démesurée, ce qui implique une politique pénitentiaire renouvelée avec des alternatives efficaces aux peines privatives de liberté.
Nous, parlementaires qui exerçons notre droit de visite régulièrement, et encore plus notre collègue JR Lecerf qui a fait un travail extrêmement rigoureux et approfondi de cette question, constatons trop souvent les conditions d’extrême vétusté de l’incarcération, pour ne pas dire parfois l’indécence et ceci, bien entendu malgré la bonne volonté, malgré le professionnalisme du personnel pénitentiaire qui ne peut manquer d’éprouver lui aussi une forme d’insatisfaction.
Au-delà de la question de l’encellulement individuel ou collectif, la question des conditions de détention insuffisamment respectueuses de la dignité de la personne humaine est fondamentale. »