Mardi soir je suis intervenue au Sénat sur les accords conclus entre la France et les Emirats Arabes Unis relatifs au musée universel d’Abou Dabi. Ce projet qui vise à créer un musée du Louvre à Abou Dabi a provoqué une intense controverse dans le milieu culturel l’hiver dernier. A mon sens, cette polémique aurait pu être évitée si le ministère de l’époque avait organisé préalablement à la négociation des accords une concertation avec les acteurs culturels et la représentation nationale pour engager un débat sur la politique de coopération des musées. Car ce projet marque en effet un changement d’échelle à cette politique, à la fois de par l’importance des opérations, la durée des coopérations, l’ampleur politique, économique et culturelle des accords. La mondialisation des échanges culturels et des musées qui est désormais engagée interroge en effet les conditions de circulation des chefs d’œuvre de notre patrimoine national. Si les accords relatifs au musée d’Abou Dabi, dont nous avons eu connaissance alors que le projet était déjà engagé, apportent des garanties juridiques à la fois sur le projet culturel et scientifique du musée, la conservation des collections, la qualité et la sécurité des œuvres et le sérieux de l’accompagnement scientifique du projet de par la mise en place de l’Agence internationale des musées, il n’en demeure pas moins plusieurs inquiétudes.
Une première inquiétude vient de la localisation du Louvre à Abou Dabi implanté sur l’île de Saadiyat dédié au tourisme culturel haut de gamme. Elle pose la question des publics concernés alors que le rôle des musées est de faire accéder aux œuvres de l’esprit le plus grand nombre de citoyens. Nous devons aussi nous assurer que nos musées ne se voient pas dépossédés des œuvres majeures qui font l’originalité, la notoriété et la cohérence de leurs collections du fait des prêts pour de longues périodes de nombreuses œuvres notamment du Louvre. A cet égard, la charte déontologique sur les pratiques de gestion et d’entretien des collections rédigée à la demande de la commission des affaires culturelles du Sénat est une garantie supplémentaire face à un phénomène qui va s’amplifier dans les années à venir. Je regrette aussi que, si les musées régionaux, souvent dotés de riches collections, comme c’est le cas pour celui de Rouen, ont l’opportunité de s’inscrire dans le projet, ils ne soient pas associés au sein de l’agence « France Muséums » qui gérera les prêts d’œuvres au musée universel. Enfin, je reste réservée quant à l’utilisation du nom du « Louvre », le musée du Louvre ayant un caractère unique qui n’est pas une marque qu’on franchise à loisir dans le monde entier. Cela étant dit, nous ne pouvons contester l’intérêt de ce projet pour le rayonnement culturel de notre pays. L’appel à l’expertise et à l’ingénierie culturelle française par des pays tiers ne peut être qu’un motif légitime de satisfaction et de fierté. Avec ce projet, la France s’inscrit pleinement dans une logique de coopération culturelle internationale.
Le Louvre à Abou Dabi
- Culture, Institutions, Patrimoine
- 28/09/2007
Partager CE CONTENU
Partager sur facebook
Partager sur google
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur print
Partager sur email