A propos de la grève annoncée à l’Opéra ce week-end

Suite au préavis de grève reconductible déposé hier par les chanteurs et les musiciens de l’Opéra de Rouen Haute-Normandie, et à l’issue du conseil d’administration qui s’est tenu le même jour, je souhaite réagir au nom du groupe « Pour une Nouvelle Normandie », que je représente au conseil d’administration depuis les dernières élections régionales.

En tant qu’ancienne élue en charge de la culture à la Ville de Rouen (2001-2008), ayant ce titre a participé aux côtés de Pierre Albertini, alors Maire de Rouen et président de l’EPCC, à l’élaboration du cahier des charges qui avait précédé le recrutement de Daniel Bizeray, cette décision ne me surprend pas. En effet, depuis le départ du directeur il y a quelques mois, je me suis inquiétée à plusieurs reprises auprès des élus socialistes d’une remise en cause du projet Opéra.

En ce qui concerne la politique vocale, le projet Opéra a été élaboré à l’époque dans le plus total consensus avec l’ensemble des collectivités. Il reposait sur la prolongation de la résidence du chœur Accentus, assortie de conditions particulières, et sur la constitution à terme d’un chœur permanent régional, donnant ainsi sens à la formation d’excellence dispensée dans nos Conservatoires de la région.

Aujourd’hui, alors que se trouve reprécisée la mission du chœur Accentus, la plus grande ambigüité règne quant à la pérennité du chœur régional qui effectue, sous la houlette de Daniel Bargier, un travail de fond qui réunit une soixantaine de chanteurs. Ce dernier est aujourd’hui complètement écarté du projet. Et l’avenir qui pèse sur les choristes auditionnés est incertain puisque très peu d’entre eux, ils le savent déjà, participeront aux futures productions et seront ainsi privés de travail. Sous couvert de la recherche d’excellence, c’est la négation de la reconnaissance du travail qu’ils effectuent depuis toutes ces années. Si je ne conteste pas la résidence Accentus, dont chacun connait la qualité, je m’inquiète de ce qu’il restera le jour où, légitimement, le chœur Accentus quittera Rouen pour être en résidence ailleurs.

S’agissant des musiciens, je comprends leur mobilisation au moment où, malgré toutes les décisions prises toujours au moment de l’élaboration du cahier des charges il y a cinq ans, ils se voient imposer ce qui ressemble à une prolongation du contrat du directeur musical Sallaberger. Devant la fronde, le président Le Vern a retiré hier une délibération portant sur le contrat du directeur (un CDI), qui en effet laisse à penser que la décision sans cesse réitérée ces dernières années de recrutement d’un nouveau chef serait définitivement annulée. Si le travail et l’investissement d’Oswald Sallaberger au sein de cette maison depuis plusieurs années, ne sont pas à remettre en cause, je tiens à souligner que toutes les grandes maisons d’Opéra voient leur direction musicale régulièrement renouvelée. Cela permet à l’orchestre de constamment progresser et aux directeurs musicaux de poursuivre leur carrière étant, au terme de leurs contrats, régulièrement appelés à de nouveaux défis dans d’autres maisons. Chacun se préparait à cette décision puisque ces trois dernières années, selon la mission qui lui avait été confiée, Daniel Bizeray avait testé plusieurs chefs d’orchestre et le choix était pour ainsi dire arrêté.   

Solidaire du Chœur comme des musiciens, avec les élus du groupe « Pour une Nouvelle Normandie », je m’interroge donc sur l’avenir de l’Opéra et suis inquiète. Je trouve d’ailleurs inadmissible que le président de région ait catégoriquement refusé de répondre aux questions que j’ai posées hier au conseil d’administration au sujet de la direction musicale. A mon très grand étonnement, Monsieur Le Vern a interdit à Monsieur Roels de répondre à une question d’ordre technique et pratique portant sur l’organisation du tuilage entre Oswald Sallaberger et son successeur et les missions qui incomberont à chacun. Je suis d’autant plus inquiète d’un éventuel changement de cap dans les orientations de l’Opéra que très symboliquement, hier, était également proposé un changement de nom pour l’orchestre. Celui-ci ne devant plus s’appeler « Orchestre de l’Opéra de Rouen Haute-Normandie », mais « Orchestre de Rouen Haute-Normandie ». Ce glissement sémantique signifierait-il, comme s’en est inquiété le représentant des musiciens, majoritairement défavorables à ce changement, une régression des ambitions de la maison en matière de politique lyrique ?

Au moment où l’Opéra atteint des chiffres de fréquentation remarquables, où le nombre d’abonnés sans cesse croissant a dépassé les 10.000, où va se donner le dernier volet de la trilogie de Beaumarchais « L’amour coupable », évènement phare de cette saison qui clôt la résidence triennale de Thierry Pécou, il ne faudrait pas que la dynamique qui est à mettre au crédit de Daniel Bizeray soit mise en péril.

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