Avenir du Théâtre des Arts : la grande confusion

Je ressors inquiète et très circonspecte du Conseil d’administration de l’EPCC Opéra de Rouen Haute-Normandie, dont elle est membre. A l’ordre du jour, le devenir de l’Opéra pour lequel le président a lancé il y a quelques mois une étude visant à construire un nouveau bâtiment. A l’époque, j’avais, au nom du groupe Pour une nouvelle Normandie, émis les plus grandes réserves :

– estimant d’une part que l’urgence en matière culturelle était plutôt de répondre aux carences importantes existant dans les domaines du théâtre (toujours pas de scène nationale dans la patrie de Pierre Corneille), du livre (toujours pas de médiathèque à vocation régionale), des enseignements artistiques (devenir problématique de l’Ecole Régionale des Beaux-Arts, du Conservatoire à Rayonnement Régional de Rouen).

– jugeant d’autre part incohérente l’attitude du président de Région qui tout en voulant investir fortement dans un nouvel équipement ne cesse de crier à l’« asphyxie financière » des collectivités locales. 

A l’issue de ce Conseil d’administration, je tiens tout d’abord à dénoncer le déficit de fonctionnement démocratique de l’institution EPCC, ainsi le procès-verbal portant sur le conseil d’administration du 15 avril ne mentionnait pas les remarques que j’avais faites à propos du refus de mon concours au titre de la réserve parlementaire pour le projet de l’orchestre avec Cuba.

Deuxièmement, alors que « l’étude stratégique d’opportunité sur le futur bâtiment de l’Opéra de Rouen Haute-Normandie » a été rendue début juin, les administrateurs ont découvert sur table une version édulcorée de 6 pages correspondant à la présentation vidéo faite lors du Conseil d’administration (photos et graphiques essentiellement).

 Cette présentation a donné lieu à un débat qui a révélé le manque de préparation et l’absence de vision stratégique et partagée des partenaires de l’EPCC, non seulement d’une politique culturelle pour le territoire en général, mais aussi d’un projet artistique et culturel en particulier pour l’Opéra. Je rappelle que la construction d’un nouvel opéra ne saurait se justifier sans l’ambition d’une montée en puissance et d’un développement vers un opéra disposant du label national ; que seule la réunification des 2 Normandie et un rapprochement avec le théâtre de Caen pourraient permettre.

Je regrette par ailleurs qu’aucune donnée chiffrée sur les coûts de fonctionnement des 3 scénarios n’ait été fournie (1-Rénovation ; 2- Extension ; 3- Construction) et qu’aucun projet pour le Théâtre des Arts dans le cas où le scénario 3 serait retenu n’ait été produitL’absence d’un projet urbanistique cohérent avec les orientations de la Ville en cas d’implantation du nouveau bâtiment sur la presqu’île Rollet, projet sur lequel ni le maire de Rouen ni le président de la CREA, exceptionnellement présent, n’ont d’ailleurs voulu se prononcer, a fini de la convaincre de l’improvisation de ce dossier. Il apparait clairement aujourd’hui que bien que les collectivités (Ville, CREA, Départements, Région) soient toutes du même bord politique, il n’y a pas de vision commune, ou en tout cas énoncée et affirmée en tant que telle. 

En tout état de cause à l’heure où les budgets des collectivités sont contraints en raison de la crise que le pays connaît, je m’interroge sur la compréhension que pourraient avoir nos concitoyens de la construction d’un nouvel opéra vaguement estimée à entre 130 et 150 millions d’euros (hors aménagements extérieurs) ; alors même qu’ont été récemment réalisés des travaux très importants sur la cage de scène du Théâtre des Arts(11 millions d’euros) et que la Chapelle du Lycée Corneille (auditorium de 800 places pour la musique) va être livrée incessamment sous peu. 

Au final, c’est la plus grande des confusions qui a régné lors de cette séance. La preuve en étant que la délibération n’a pu être votée, le président se contentant d’annoncer que le Conseil d’administration actait la poursuite des études pour la construction. Tandis que Mme Fourneyron rappelait de son côté l’urgence à prendre une décision compte tenu de l’engagement de la ville dans la réalisation des travaux sur le bloc scène et l’administration, engagement inscrit dans le contrat d’agglomération. 

J’ espère que le président Le Vern va revenir à des considérations plus raisonnables plutôt que de s’entêter dans un projet qui en l’état apparaît plus comme un caprice qu’une nécessité. Je ne peux être qu’inquiète quand on sait que la Chambre Régionale des Comptes, dont le  rapport sur la gestion de l’Opéra a été déposé sur table lors de ce même conseil d’administration, pointe  les problèmes de gouvernance de l’EPCC.

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