La Cérémonie de restitution des vingt Têtes Maories conservées dans nos musées a eu lieu hier matin au Musée du Quai Branly, dans le respect des traditions.
Retrouvez ci-après mon discours lors de cette émouvante cérémonie et quelles photos.
Monsieur le Ministre,
Madame l’Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Président du Quai Branly,
Mesdames et Messieurs les directeurs de musées,
Madame la Directrice, chère Michelle Hippolite,
Mesdames et Messieurs les membres de la délégation néozélandaise, cher Derek Lardelli,
Chers amis maoris Tena Koutou Kia Hora,
« On ne construit pas une culture sur un trafic ou un crime,
on construit une culture sur le respect et sur l’échange »
Tels furent les propos que vous avez tenus au Sénat le 29 Juin 2009 Monsieur le Ministre en réponse à la proposition de loi de restitution des têtes Maori à la Nouvelle- Zélande. J’en garde un souvenir précis et ému car vous veniez tout juste d’être nommé ministre. C’était là votre 1ère intervention devant le parlement, intervention attendue pour répondre à une question posée, depuis quelques temps par la ville de Rouen, à travers son muséum dont je salue le directeur Sébastien Minchin ici présent, et ses élus auxquels j’appartenais. Question sur la pertinence de la conservation des restes humains acquis dans des conditions douteuses, notamment du Toi Moko de Rouen détenu dans les collections depuis 1875. La proposition de loi que j’avais alors formulée, à laquelle vous avez donné un avis favorable Monsieur le Ministre, était destinée à mettre fin aux péripéties juridiques qui firent suite à la décision de la ville de Rouen ; mais surtout pour répondre à la demande de la Nouvelle Zélande réitérée depuis 30 ans.
Je suis heureuse aujourd’hui d’en voir les conclusions. Sur la forme, le législateur que je suis, ne peut que saluer l’inhabituelle rapidité avec laquelle, non seulement, la loi a été promulguée, avec laquelle ses décrets d’application sont parus suivis d’une circulaire visant à organiser rapidement la cérémonie d’aujourd’hui ! Chacun connait la lenteur parfois dans la mise en œuvre de la loi !
Ce sont désormais toutes les têtes Maori détenues par l’ensemble des musées, dont je salue les représentants aujourd’hui, qui vont repartir vers le pays du long nuage blanc.
Ce jour est l’aboutissement d’un long travail. Cet heureux dénouement a été rendu possible grâce à la mobilisation de nombreuses personnes qui ont cru au bienfondé de ce geste.
Je pense à cet instant aux élus de ma ville, aux chercheurs et scientifiques, avec une mention particulière pour Roger Boulay, ici présent, aux parlementaires qui ont signé et défendu cette proposition de loi, dont Richard Tuheiava, sénateur de Polynésie Française à mes côtés aujourd’hui, le rapporteur Philippe Richert, l’ensemble des sénateurs appartenant au groupe interparlementaire d’amitié France-Nouvelle-Zélande, notamment son président Marcel Deneux.
Dans cette affaire, il faut souligner 2 choses :
– D’une part, au rôle essentiel du Sénat, le même qu’il a eu en tant que grand défenseur de la dignité humaine, en initiant le retour de la Vénus Hottentote en 2002.
– D’autre part, c’est l’ensemble de la représentation nationale qui a souhaité accompagner cet acte symbolique qui veut exprimer le respect que l’on doit à un peuple qui refuse que meurt sa culture et son identité.
Cet acte de restitution rend possible un travail de mémoire qui met en exergue les trafics odieux qui ont eu cours, et tourne une page sur le regard que l’Europe a longtemps porté sur celui qui était différent comme l’exprime le concept Maori (I mua, I muri) « Le passé est devant – l’avenir est derrière ». Le passé ne doit pas être appréhendé comme un point fixe mais comme une large dimension qui pénètre le présent et le futur. On ne peut ignorer ce qui a été fait, ni non plus retirer aux Maoris la possibilité de rétablir le lien sacré qui les unit à leur passé.
A travers les débats provoqués par cette volonté de restitution auxquels nos concitoyens se sont intéressés, s’est posée la question juridique du corps au musée – Le processus de muséification gomme le plus souvent la charge symbolique du corps en tentant de la transformer en objet neutre – Or les restes humains ne peuvent pas, comme nous l’ont appris l’histoire des têtes Maori, être des objets neutres.
Pour beaucoup, je le sais, cela reste un débat dont d’ailleurs, Monsieur le Ministre, la Commission Scientifique Nationale des Collections, qui reste toujours à réunir, s’emparera, telle a été la volonté du législateur. Ainsi, la loi de restitution marque-t-elle une étape dans une réflexion rigoureuse et transparente à avoir car la Culture ne peut se passer de la transparence et de la vérité et doit répondre à une éthique irréprochable – On ne peut porter atteinte aux droits des peuples, à la dignité de l’homme, c’est le message très fort voulu par la représentation nationale en votant cette loi. C’est l’importance du respect et de l’échange que nous ont apportés nos amis Maori, le « Manaakitonga » nous l’avons vécu lorsque notre délégation s’est rendue à Te Papa en mai dernier.
Aujourd’hui, la boucle est bouclée, alors qu’en ramenant le 1er Toi Moko, celui de Rouen, nous inaugurions cette belle exposition rendant compte de la culture Maori (Les Maoris, leurs trésors ont-ils une âme). Aujourd’hui, elle se clôt ici à Paris, et de manière très forte, très symbolique, puisque ce sont l’ensemble des Toi Moko provenant de la France entière qui vont repartir vers la terre de leurs ancêtres. Je puis, pour l’avoir vécu, témoigner de la portée très forte de notre geste.
Gardons à l’esprit que nous écrivons ici aujourd’hui ensemble une nouvelle page de la reconnaissance des peuples autochtones sur la voie du bien vivre ensemble, de l’écoute et du respect réinventant ces principes au sein de nos sociétés contemporaines. Et je suis convaincue qu’au moment même où nous vivons des moments particulièrement chahutés, il est d’autant plus important de réaffirmer ces fondamentaux.