Création d’un « musée universel » à Abou Dhabi

Aujourd’hui, mardi 6 mars, Renaud Donnedieu de Vabres, Ministre de la Culture et de la Communication, s’est rendu à Abou Dhabi, capitale des Emirats Arabes Unis pour signer l’accord intergouvernemental permettant la création d’un « musée universel » qui portera le nom de Louvre-Abou Dhabi. Ce projet fait couler beaucoup d’encre depuis plusieurs semaines dans le milieu culturel français et à juste titre. Car ce à quoi on assiste aujourd’hui c’est à une dérive commerciale de nos musées nationaux. S’agit-il d’un projet de coopération culturelle Nord-Sud au sens où on l’entend ? Non. Il s’agit de créer sur l’île de Saadyat, en face de la capitale des Emirats, un pole « culturo-touristique 7 étoiles » regroupant hôtels, résidences de luxe et un centre d’art vivant composé de 5 théâtres, d’un opéra et de plusieurs musées dont le Louvre-Abou Dhabi d’une surface de 24 000 m² dont l’ouverture est prévue en 2012.

Les termes du contrat qui lie la France aux Emirats seront dévoilés aujourd’hui. On sait déjà que le rôle de la France sera de prêter ou plutôt, pour être exact, de louer des oeuvres en attendant que ce musée constitue ses propres collections et d’encadrer la gestion du futur établissement. La France s’engage à mettre à disposition des oeuvres pendant 10 ans et le Ministre a fait savoir que celles-ci pourraient provenir des Musées nationaux ou bien régionaux. A noter que ce dernier point n’a jamais été évoqué avec les élus de villes, comme chez nous, qui gèrent des musées aux collections importantes ! 300 oeuvres devraient ainsi être concernées. On parle également de 4 expositions temporaires par an. En échange un dédommagement de 350 millions d’euros. Reste à connaitre les conditions de cession de la marque « Louvre » pour une période cette fois-ci de 10 à 20 ans.

Même si au fond les sommes perçues devraient revenir à la Direction des Musées de France et aux musées volontaires, un tel projet pose question. Une question éthique : les collections françaises, pour la plupart issues des confiscations révolutionnaires enrichies de dons au fur et à mesure des siècles dont l’objet est d’être, selon l’esprit des Lumières, accessibles au plus grand nombre, peuvent-elles faire l’objet d’un échange mercantile qui doit se faire, on peut s’en douter, en contrepartie de ventes de frégates, d’airbus ou autres ? 

La mission de notre Ministère de la culture n’est-elle pas, avec les collectivités territoriales elles-mêmes gestionnaires de musées, de contribuer à distraire des milliardaires du monde entier venus séjourner dans ce paradis touristico-fiscal que constitue Abou Dhabi ou est-ce de faire accéder aux oeuvres de l’esprit le maximum de citoyens ?

Il est normal que les oeuvres puissent, pour autant que les conditions de sécurité soient réunies, circuler d’un pays à l’autre pour la réalisation d’expositions majeures, de rétrospectives attendues, contribuant à un travail culturel et scientifique de qualité vers tous les citoyens ; dans le cas d’Abou Dhabi ce n’est pas du tout l’objet. Le Ministère ferait mieux d’inciter les Musées nationaux, dont le Louvre, à faire circuler plus fréquemment que cela n’est le cas aujourd’hui des oeuvres vers les grands musées de région, qui dans la plupart des cas, ont les plus grandes difficultés à enrichir ici et là les expositions qu’ils réalisent. Notre Musée des Beaux-Arts s’est ainsi vu refuser 3 tableaux des collections du Louvre pour la réalisation de l’exposition « Jeanne d’Arc, les tableaux de l’histoire« , quand, a contrario, nous prêtons régulièrement les oeuvres qu’on nous demande.

Partager CE CONTENU

Partager sur facebook
Partager sur google
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur print
Partager sur email