« Jusqu’à quel point peut-on être aveugle sur le devenir de notre souveraineté numérique ?! »
Après les révélations du Monde sur les écoutes effectuées en France par la National Security Agency (NSA), l’urgence pour la France de prendre la mesure de l’enjeu que représente la maîtrise de nos données, qu’elles soient d’ordre privé, économique ou diplomatique et de peser dans la nouvelle gouvernance mondiale de l’Internet, avec l’aide de ses partenaires européens.
Il est désormais certain que les communications téléphoniques des citoyens français sont interceptées de façon massive. Sur une période de trente jours, du 10 décembre 2012 au 8 janvier 2013, ce sont ainsi 70,3 millions d’enregistrements de données téléphoniques des Français qui ont été effectués par la NSA.
Mais, tout en condamnant des méthodes inacceptables de la part d’un pays allié, je réaffirme que seule l’Union européenne a le poids nécessaire pour influer dans cette nouvelle géographie du cyberespace, où les USA sont dominants. Ces écoutes par la NSA le prouvent une nouvelle fois.Cela suppose une fois pour toute une véritable reprise en main par la France et l’Union européenne des enjeux internationaux du numérique. Il y a quelques jours, j’ai ainsi interrogé -en vain- Fleur Pellerin dans le cadre d’un débat sur la protection des données personnelles.
Je me félicite que les dirigeants des organisations responsables de la coordination de l’infrastructure technique de l’Internet au niveau mondial aient récemment exprimé à Montevideo (Uruguay) leur vive préoccupation face à l’érosion de la confiance des internautes suite aux révélations de contrôle et de surveillance omniprésente. L’absolue nécessité d’accélérer la mondialisation des fonctions de l’IANA et de l’ICANN vers un environnement dans lequel toutes les parties prenantes, y compris tous les gouvernements, participent sur un pied d’égalité se fait dont de plus en plus pressante.
Il ne suffit pas de demander des explications aux Etats-Unis comme entendent le faire Mrs Manuel Valls et Laurent Fabius. Il faut que la France entame une bataille: celle de la reconquête d’une forme de souveraineté économique. Plutôt que de se lamenter sur les problèmes de fiscalité, il faut mesurer , vue la gouvernance actuelle de l’Internet, les risques de paralysie pour les entreprises, lorsqu’elles seront vidées de leur substance et bloquées dans leur fonctionnement. Le risque au-delà des atteintes aux libertés individuelles est bien celui d’une main-mise sur l’économie mondiale désormais numérisée.
L’opportunité d’une plus grande implication de l’Union européenne dans la gouvernance de l’Internet mondial s’ouvre donc aujourd’hui. La France et l’Union européenne doivent absolument profiter de ce qui vient de se passer à Montevideo pour réclamer, comme très récemment la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, une gestion multilatérale de l’Internet. Désormais, la supervision des fonctions critiques de l’ICANN doit être confiée à une structure multilatérale collégiale. Il faut enfin poser cette exigence dans le cadre d’un accord transatlantique.