Je suis intervenue ce mardi 27 octobre à 17h30 en séance publique au Sénat dans le cadre de la proposition de loi relative au service civique au nom de mon groupe centriste. Cette proposition de loi est consécutive au débat relatif au « service civil volontaire » qui a eu lieu au Sénat le 10 juin dernier. Elle propose la substitution à ce service civil volontaire d’un service civique destiné à pallier aux carences de son prédécesseur. J’ai soutenu ce texte car il permet aux jeunes qui le souhaitent de vivre une expérience humaine riche et formatrice à travers un projet au service des autres. Au cours de mon intervention, j’ai regretté l’absence d’une réelle dimension européenne à ce dispositif, point sur lequel Martin Hirsh, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse, m’a répondu.
Voici l’intégralité de mon intervention et de mes explications de vote ainsi que la réponse que m’a adressé Martin Hirsh au cours de la discussion.
« Monsieur le Président,
Monsieur le Haut Commissaire,
Mes chers collègues,
Après avoir débattu ici même la semaine passée de la réforme du lycée, nous voilà réunis autour de la proposition de loi relative au service civique. Deux textes qui concernent notre jeunesse à laquelle, au Sénat, nous avons voulu consacrer une mission commune d’information ces derniers mois.
La finalité et les objectifs de l’école sont multiples : la transmission des connaissances, préparer à l’exercice d’un métier, mais aussi aider les jeunes à se construire, à devenir des adultes épanouis et responsables qui auront chacun leur rôle à jouer dans la société. L’école c’est aussi le creuset de notre République à travers la transmission des valeurs auxquelles nous sommes attachés, et qui constituent notre culture commune. Comme j’ai eu l’occasion de le dire il y a quelques jours, pour nous centristes, notre vision repose sur la conception d’une éducation et d’une culture de l’ouverture, de l’émulation et de l’échange qui contribuent à construire une identité vivante à l’opposé du repliement sur soi. Alors, quel meilleur dispositif, au sortir de l’adolescence, à cette période charnière de la vie des jeunes, qu’un service civique qui, dans le prolongement de l’école, leur offre l’occasion d’un engagement au service des autres ?
Le 22 février 1996, le Président de la République annonçait la suppression du service militaire obligatoire. Chacun s’accorde pour dire que si cette décision était complètement légitime, ce passage obligé pour les jeunes hommes avait ses mérites. Lieu de brassage social et culturel il permettait l’apprentissage de la vie en communauté et de cimenter le sentiment d’appartenance à une même nation. Voilà pourquoi quelques années plus tard, est apparu chez certains la volonté de recréer un dispositif qui permettrait de réunir les jeunes autour des valeurs fondatrices de notre société. A cet égard je me permets de vous rappeler que dès 2001, les centristes demandaient la création d’un service civique obligatoire et universel de 6 mois qui je cite : « concernant les garçons et les filles, amènera chacun à donner un moment de sa vie aux autres, aux plus fragiles, sur notre sol.» Depuis l’idée a fait son chemin, et suite aux émeutes de 2005, elle s’est d’une certaine façon, imposée à tous. Le service civil volontaire fut alors instauré le 31 mars 2006 par la loi sur l’égalité des chances. Reposant sur l’engagement dans des associations, ce dispositif permet aujourd’hui aux jeunes de 18 à 25 ans d’accomplir une mission d’intérêt général pendant 6 à 9 mois pour une rémunération de 600 à 650 euros par mois.
Néanmoins, le bilan après 3 années d’application est décevant ; à peine plus de 3000 volontaires recrutés alors que le dispositif devait concerner 50 000 jeunes en 2007. Comment expliquer un chiffre si faible ? Quand on sait que tous les jeunes qui ont bénéficié de cette expérience en sont satisfaits ; et que d’après un sondage réalisé en juin 2008, plus de 260 000 d’entre eux seraient prêts chaque année à accomplir un service civique de 6 mois, il parait évident que ce n’est pas le principe en tant que tel qu’il faut remettre en cause.
Sa relative inefficacité relève plutôt de son application comme l’a démontré le rapport de Luc Ferry sur le sujet et comme l’a souligné notre collègue, Yvon Collin, tout à l’heure. Le système souffre notamment d’un réel déficit d’information et de visibilité, de la lourdeur, de la complexité et de l’opacité des procédures aussi bien pour les volontaires que pour les structures d’accueil. De ce fait, les jeunes étant peu sensibilisés à ce nouveau dispositif et n’en n’ayant pas toujours connaissance, passent à côté d’une opportunité et d’une aventure personnelle qui leur est pourtant offerte.
Partant de ce constat, notre collègue Yvon Collin au nom du groupe RDSE a déposé une proposition de loi dont nous avons à débattre aujourd’hui. Le texte de loi qui nous est proposé a une portée philosophique significative. La première avancée que je tiens à souligner c’est que nous parlons enfin, comme le demandaient les centristes, d’un service « civique » et non plus civil. Ce glissement sémantique met en exergue l’objet même du dispositif ; celui-ci étant de « réaffirmer, voire inculquer, les valeurs républicaines aux citoyens ou résidents de notre pays ou de l’Union Européenne ».
Une des valeurs fondatrices de notre République doit être, comme je l’ai dit précédemment, l’ouverture aux autres. Or, le service civique sera bel et bien l’occasion pour les 16 – 25 ans de s’engager au service des autres. Il s’imposera comme une expérience humaine leur permettant de mieux se connaitre eux-mêmes à travers la découverte des autres. Qui peut nier que l’échange, la confrontation des origines et des expériences soit utile ? Ce brassage, ce changement d’horizon, couplé avec l’accomplissement d’une activité d’intérêt général, sera profitable aux jeunes ; l’occasion d’affirmer leur personnalité, de nuancer leurs certitudes et de favoriser ainsi leur entrée dans la vie active ou universitaire. Garçons et filles de 18 ans ont besoin en effet de sortir du cocon familial, de sentir la diversité de la société et à fortiori de briser les barrières qui entourent le ghetto de certains quartiers !
Par ailleurs, force est de constater que nos jeunes peuvent souffrir d’un certain manque de repères à l’heure actuelle. Sans être réductrice, je pense qu’il existe une forme de causalité entre le délitement du lien social et le mal être de notre jeunesse qui peut parfois prendre des fromes dramatiques. Fondamentalement, la clé d’une société civile dynamique réside dans cette double aspiration à l’épanouissement personnel, au bien-être et à l’adhésion à des valeurs collectives qui fondent la solidarité. L’un et l’autre sont respectables et nécessaires. L’affirmation de sa propre individualité ne saurait être remise en cause : mais elle ne signifie ni indifférence ni mépris pour les autres. Au contraire, la meilleure façon de réussir sa vie est d’en consacrer une part aux autres. Ainsi s’affirme la double dimension, individuelle et sociale, de chaque homme.
Le service civique doit être l’occasion de retisser du lien entre des individus d’origines diverses. Facteur de cohésion sociale il doit permettre l’intégration de tous les individus. En tant qu’outil de lutte contre l’individualisme, contre le consumérisme et contre l’exclusion des jeunes, la nécessité d’un service civique prend tout son sens !
Néanmoins, la proposition de loi ne se cantonne pas à un énoncé de beaux principes philosophiques. Elle fournit par ailleurs un cadre plus satisfaisant au dispositif.
Elle prévoit une indemnisation non imposable équivalente au montant actuel, soit 650 euros par mois. Cette somme parait être une juste rémunération, reflet d’un équilibre garantissant au dispositif son esprit. Ce montant permettra alors à n’importe quel jeune, quelles que soient ces ressources financières, de subvenir à ses besoins le temps de son service. C’est une condition sine qua non à la mixité sociale du dispositif.
Comme indiqué dans le contrat, le service civique sera également un temps d’apprentissage de la citoyenneté grâce aux phases de préparation et au tutorat civique.
L’article 4 garantit un cadre juridique au dispositif. Il définit les structures qui peuvent proposer ce dispositif (organismes sans but lucratif ou personnes morales de droit public agréés), pose les conditions relatives à la personne volontaire (âge, nationalité, résidence), précise la durée du service (de 6 à 24 mois), le régime d’indemnité et de protection sociale applicables. Comme l’a souligné Christian Demuynck dans son rapport, ces gardes fous éviteront que le service civique devienne une forme de salariat ou de bénévolat déguisé.
Une autre avancée du texte concerne la reconnaissance et la valorisation du service civique. S’inscrivant dans le parcours de formation des 16-18 ans et permettant une validation des acquis de l’expérience (VAE), comme cela se fait déjà au Canada, le dispositif est un parfait complément au cursus scolaire. La question de la valorisation de l’engagement est primordiale ; si un jeune fait la démarche de s’engager pour sa Nation, elle doit lui accorder en retour la reconnaissance de son travail effectué!
Enfin, je tiens enfin à souligner que ce texte permet une unification des différentes formes de volontariat tout en hissant le régime par le haut.
Si je salue les avancées de la proposition de loi d’Yvon Collin et le soutien que vous lui avez apporté Monsieur le Haut-Commissaire. Je regrette toutefois que ce texte ne fasse pas évoluer le dispositif plus en profondeur.
Mon premier regret est que la dimension européenne telle qu’affirmée dans l’exposé des motifs, ne se traduise pas par des propositions plus concrètes à travers ce texte. D’une part, nous pourrions nous inspirer des dispositifs mis en place dans d’autres pays européens qui sont des modèles de réussite. Quand on sait que le service civil volontaire Italien parvient à mélanger des jeunes de toutes classes sociales et qu’il compte au moins le double de candidats par rapport au nombre de projets proposés, il semblerait pertinent de travailler en collaboration avec leur équipes. D’autre part, peut être pourrions nous penser à créer un statut européen pour le service civique, qui permettraient alors une plus grande opportunité de mobilité pour les jeunes. La réussite des programmes type Erasmus, Leonardo, VIE & VAE est très encourageante. Ainsi, les structures d’accueil pourraient développer des partenariats et proposer des projets d’intérêt public européen.
J’en viens à mon dernier point. Ainsi que l’a rappelé mon collègue François Zocchetto le 10 juin dernier lors du débat sur le service civil volontaire, le service civique a vocation à être obligatoire et universel. Nous estimons qu’il mérite de concerner toute une tranche d’âge qui partage en même temps une même expérience et se constitue ainsi un socle de valeurs communes. Je sais que la question reste posée ; notamment en raison du coût conséquent, estimé entre 3 et 5 milliards d’euros, et l’état de nos finances publiques qui est très préoccupant. Il est également vrai que, dans la mesure où le contexte économique actuel n’est guère favorable aux jeunes, ceux-ci, faute de s’approprier véritablement le dispositif, pourraient y voir, faute de mieux, une forme d’occupation temporaire en attendant de trouver ce premier travail auquel ils aspirent tous. Ce n’est pas ce que nous souhaitons.
Nous devons imaginer une montée en charge progressive d’un dispositif maîtrisé et qui aura fait ses preuves. Comme l’indique l’exposé des motifs, nous souhaitons une évaluation régulière, qui nous permettra d’apporter les ajustements adéquats à ce dispositif, dans le but, si l’expérimentation est positive, de la généraliser.
En attendant, monsieur le haut-commissaire, tout cela ne fonctionnera que si le service civique fait l’objet d’une promotion volontariste et efficace. Ayons de l’ambition car comme le disait Léon Gambetta : « Il ne suffit pas de décréter des citoyens, il faut en faire »
Je vous remercie de votre attention. «
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Réponse de M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse.
« Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, d’avoir éclairé chacun de manière complémentaire l’édifice que nous construisons et d’avoir fait progresser le débat sur le service civique, comme vous l’aviez déjà fait au mois de juin dernier. Merci également d’avoir placé la barre très haut. Le service civique est effectivement un projet ambitieux et important pour notre pays et pour notre jeunesse.
Mme Morin-Desailly nous a expliqué en quoi cette proposition de loi pouvait s’inspirer d’exemples étrangers, notamment européens. Vous avez bien raison, madame la sénatrice. Vous avez mentionné l’Italie et vous auriez également pu faire référence à l’Allemagne. Effectivement, le service civique existe dans un certain nombre de pays, et les résultats sont remarquables.
Nous retenons votre idée d’une coopération avec ces pays. En effet, l’organisme qui sera chargé d’animer le service civique devra pouvoir créer des coopérations avec l’agence, italienne, l’agence allemande ou d’autres structures du même type pour faire des échanges. Ainsi, nous pourrons préparer – c’est la raison pour laquelle nous souhaitons aller vite – l’année 2011, qui sera l’année européenne du volontariat, en nous inscrivant résolument dans cette ambition. «
Explication vote amendement
Je souhaite simplement dire quelques mots sur les amendements présentés par notre collègue Sophie Joissains.
Plusieurs membres de mon groupe ont tenu à les cosigner, car ils les considéraient comme des amendements d’appel. Ils souhaitaient attirer l’attention sur le fait que nous voulons que la question du service civique obligatoire et universel ne soit pas définitivement écartée.
Je m’en suis très clairement expliquée lors de la discussion générale : c’est un principe auquel le groupe de l’Union centriste est fort attaché, comme il l’a exprimé ses dernières années.
Nous mesurons toute la difficulté de mettre en place un nouveau dispositif qui ne doit rien à la nostalgie, je tiens à le dire à notre collègue Jean-Paul Alduy. Nous sommes tous d’accord pour promouvoir un dispositif totalement novateur dans sa formule.
Pour autant, nous considérons qu’il faut être sage et qu’il convient d’expérimenter le dispositif avant d’envisager éventuellement de l’étendre. Ce qui nous importe, c’est que nous puissions disposer d’un bilan régulier, fourni par un comité de suivi. C’est une bonne solution. Cependant, n’écartons pas non plus cette possibilité.
Explication vote général
Ainsi que je l’avais laissé entendre dans mon intervention liminaire lors de la discussion générale, le groupe Union centriste, profondément attaché aux valeurs que porte le service civique – je tiens une fois encore à me réjouir de la nouvelle dénomination du service civil –, votera bien sûr ce texte.
Il conviendra d’évaluer ce nouveau dispositif, qui constitue une étape nécessaire et présente l’intérêt de laisser la porte ouverte à toutes les évolutions possibles, qu’il nous faudra mesurer au fil du temps.
Par ailleurs, je tiens à souligner à quel point il importe que nous fassions de telles propositions aux jeunes. Dans un monde où tout paraît monnayable, il est essentiel de leur faire prendre conscience que tout ne s’achète pas et ne se vend pas. La jeunesse est naturellement généreuse. Demandez aux enfants quel métier ils voudront faire plus tard : tous évoquent des métiers tournés vers les autres, par exemple pompier ou médecin. C’est dire leur capacité intrinsèque à se tourner vers autrui. Donnons-leur la possibilité d’exercer de telles missions !