Plus d’un an après la décision de la Ville de Rouen de restituer une tête maorie tatouée et momifiée détenue dans les collections du Muséum d’histoire naturelle à la Nouvelle-Zélande et l’annulation de cette décision par le juge administratif, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à autoriser la restitution non seulement de la tête maorie conservée à Rouen mais également toutes celles, aujourd’hui estimée entre 15 et 20, se trouvant dans les autres collections publiques. Catherine Morin-Desailly (UC-Seine-Maritime), à l’initiative de cette proposition de loi co-signée par près de 60 sénateurs et par ailleurs membre du groupe d’amitié France-Nouvelle Zélande du Sénat, se réjouit de cette adoption par la Haute Assemblée.
Alors que la ville de Rouen, considérant cette tête comme un élément du corps humain et non comme un objet de collection, s’était fondée sur l’article 16-1 du code civil, le juge administratif avait refusé cette interprétation et considéré que la commission de déclassement aurait dû être saisie. La question du statut juridique de ces têtes maories a donc fait l’objet d’une controverse donnant par ailleurs lieu à un colloque international au Musée du Quai Branly en février 2008 auquel la Sénatrice de la Seine-Maritime avait participé.
Intervenant pour présenter la proposition de loi, Catherine Morin Desailly a indiqué que sa démarche reposait, au-delà des considérations juridiques, sur une réflexion éthique : « La culture ne peut se passer de la transparence, de la vérité et doit répondre à une éthique irréprochable. On ne peut, sous son couvert, porter atteinte au droit des peuples et la France, pays des droits des l’homme, se doit d’être exemplaire. ». De nombreux pays ont déjà répondu de manière positive aux demandes de restitution néozélandaises. Au total, ce sont 322 restes humains maoris sur les 500 estimés qui ont à ce jour été transférés. Cette démarche s’inscrit également dans la logique de la déclaration des Nations-Unies sur les droits des peuples autochtones de 2007, ratifiée par la France, ainsi que dans celle du code de déontologie de l’ICOM de 2004.
Si l’Assemblée Nationale adopte cette proposition de loi, ce sera alors l’ensemble des têtes maories que détient la France, une quinzaine environ, qui pourront être restituées à la Nouvelle-Zélande afin d’être inhumées dans le respect des traditions de ce peuple autochtone qui a toujours lutté face aux menaces pesant sur sa survie identitaire et culturelle.
Catherine Morin-Desailly se réjouit que son souhait de voir une vaste réflexion et un travail de fond effectif engagés afin de régler dans un cadre strict et selon des critères précis la question de la restitution des restes humains ait été inscrit par le rapporteur dans la proposition de loi. La France reste à ce jour très en retard sur ce sujet, notamment au regard de ses voisins européens. Elle doit donc aujourd’hui faire face à la nécessité de gérer de manière éthique et responsable les collections de ses musées.