La réforme de la parité, initiée par la révision constitutionnelle du 28 juin 1999 a marqué une avancée significative. Dix années de pratique démontrent que le dispositif s’applique plutôt bien lorsque la loi le prévoit, mais que des résistances perdurent en l’absence de mesures contraignantes. Dès le début de mon mandat, en 2004, avec Valérie Létard (alors sénatrice du Nord) je déposais une proposition de loi visant à instaurer la parité dans les fonctions exécutives municipales et à faciliter l’exercice de ces fonctions, dispositions qui ont été reprises dans un projet de loi gouvernemental.
La discussion du premier texte portant sur la réforme des collectivités, « Renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux », le 15 décembre dernier, a été l’occasion pour le groupe centriste de réaffirmer son attachement au principe de parité. C’était une première occasion d’interpeller le gouvernement sur les menaces que fait peser le mode de scrutin proposé sur l’élection de femmes. En effet, si la parité est renforcée pour les élections municipales, elle sera difficilement applicable à l’élection des futurs conseillers territoriaux. En tant que membres de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, Muguette Dini et moi-même avons tenu à y exprimer nos inquiétudes.Vous pouvez retrouver ci-dessous l’intervention en séance du 15 décembre dernier :
« Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mes collègues de l’Union centriste ont exprimé la position de notre groupe sur ce texte. Aussi vais-je directement évoquer ce qui m’indigne, même si ce n’est pas encore à l’ordre du jour : je veux parler du mode de scrutin de ces élections territoriales, qui a été conçu au mépris du respect de la parité. Vous ne pourrez pas dire, messieurs les ministres, quand le sujet viendra en débat, que vous n’avez pas été informés de la révolte des femmes élues et aussi, sans doute, des autres. Je me permets de vous rappeler que l’article 1er de la Constitution dispose : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives […] ». Je dois vous féliciter pour toutes les dispositions qui concernent les élections municipales : enfin, dans les conseils municipaux et les exécutifs locaux, les femmes auront suffisamment de poids pour faire valoir et mettre en œuvre leurs compétences, différentes et complémentaires, dans la gestion de nos communes et de nos villes. Il en va tout autrement des conseillers territoriaux qui vont gérer les départements et les régions. Je vous le dis tout net : les dispositions que vous envisagez sont scandaleuses. Je rappelle quelques chiffres : on compte 986 femmes sur 1 880 conseillers régionaux et 571 femmes sur 4 152 conseillers généraux. Vous allez réduire le nombre des élus territoriaux, dont l’effectif est de 6 032, pour arriver à quelque 3 000 conseillers territoriaux. On peut imaginer la bagarre qui va s’ensuivre… On peut imaginer aussi que de nombreux conseillers généraux sortants, connus dans leur canton, voudront garder la main ; or ce sont des hommes à 87 %. Restent 20 % des candidats élus à la proportionnelle : devinez qui sera tête de liste ? Des hommes, bien sûr ! La projection optimiste pour 2014, qui donne 81 % d’hommes et 19 % de femmes élus, est donc totalement surréaliste. Je fais le pari que, dans ces conditions, c’est 12 % à 15 % de femmes qui seront élues. Vous avez déclaré, monsieur le secrétaire d’État : « Personne n’est propriétaire de ses électeurs et il appartient aux partis de choisir des femmes ». Comment accepter une telle affirmation alors que l’UMP, votre parti, a présenté aux législatives de 2007, dans le Rhône, un homme dans chacune des 14 circonscriptions que compte ce département ? On évoque aussi des sanctions financières accrues pour les partis qui ne présenteraient pas assez de femmes. Mais qu’est-ce que cela signifie « assez » ? Arrêtez, une bonne fois pour toutes, de nous prendre pour de la marchandise ! La vérité, monsieur le secrétaire d’État, est que vous ne vous êtes pas donné les moyens de respecter la Constitution. Ou bien, au moment de la rédaction de ce projet de loi, vous n’avez pas pensé que c’était un problème. Ou bien, vous vous êtes dit que cela n’avait pas d’importance, et je ne sais pas laquelle des deux positions est la plus grave. Et pourtant, il y a certainement des solutions. »