Le Sénat examine en ce moment la loi de programmation militaire. Dans son Article 13, elle prévoit un accès quasi illimité aux informations des citoyens sur internet.
Ce texte vise explicitement toute “information et données, y compris les données techniques”. Et justement c’est ce point là qui devient problématique. En effet le texte, pour plusieurs finalités (terrorisme, lutte contre la criminalité en bande organisée), souhaite offrir aux divers services de renseignement un accès direct et en temps réels aux données stockées par les divers intermédiaires de l’internet. Cela recouvre, par exemple, les informations relatives aux sites internet visités, aux expéditeurs et destinataires d’emails et plus généralement toutes les données et documents stockés notamment dans les services de cloud computing (y compris les emails, les photographies, les documents personnels, etc.).
Partout, tout le temps. Sans avoir de comptes à rendre.
Certes, le gouvernement annonce un renforcement de la protection par la CNCIS. Cet accès sera contrôlé par la CNCIS. Néanmoins, cet accès se fera a posteriori, c’est à dire après que les autorités aient eu accès aux données conservées.
Je m’inquiète donc, comme nombre d’acteurs du secteur numérique et de citoyens, de l’ampleur de la surveillance autorisée (élargissement des sujets, de la durée, du mode d’action) associée à l’absence totale de contrôle par le juge offrent à notre administration un arsenal liberticide rarement égalé dans une démocratie comme dans les dictatures les plus radicales.
Il y a un mois, le Premier Ministre déclarait solennellement à la tribune de l’Assemblée Nationale : « La sécurité est une exigence, mais elle ne doit pas être garantie à n’importe quel prix ; elle ne doit porter atteinte ni aux libertés ni à la vie privée. Telle est la position de la France ! ».
Souhaitons-nous « Faire aussi bien que la NSA américaine », sans apporter les garanties que notre gouvernement jugeait pourtant insuffisantes lorsqu’il critiquait il y encore 1 mois les écoutes des services américains ?
Aux Etats-Unis, le scandale PRISM fait qu’une pression est dorénavant mise tant par la société civile que par les acteurs économiques sur le
Gouvernement et le Congrès pour changer la loi. *De nombreux parlementaires soutiennent une réforme encadrant plus fortement l’accès aux données Internet par les services de renseignement. La France est, elle, en train de suivre le chemin inverse, et je ne peux que le déplorer.
Aussi, en tant que présidente du Groupe d’Etude Médias et Nouvelles Technologies et rapporteure de la Mission commune d’information sur la gouvernance de l’Internet, je voterai contre ce texte tant qu’il ne sera pas assorti de garanties minimales.
A savoir : assurer aux Français que les objectifs pour permettre cette surveillance soient contrôlés et garantissent un équilibre entre la protection légitime de la sécurité et la préservation des libertés.