Mission Médias pour 2009

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues,

Les crédits de la mission « Médias » pour 2009 sont marqués par plusieurs mesures liées à la réforme de l’audiovisuel public, lancée par le Président de la République en début d’année et que nous allons examiner prochainement au Sénat, un peu plus tard que prévu, certes, mais cela est heureux pour la qualité de nos travaux.

Cette réforme de grande ampleur de l’audiovisuel public se déroule dans un paysage audiovisuel en mutation, affecté par la révolution numérique. Le secteur audiovisuel connaît en effet actuellement des bouleversements majeurs. Il se voit contraint d’évoluer, afin, d’une part, d’accompagner les évolutions technologiques – généralisation de la télévision numérique avec dix-huit chaînes en concurrence, développement de la télévision haute définition, émergence de la télévision mobile personnelle, décollage des télévisions locales –, et, d’autre part, de s’adapter aux nouveaux modes de diffusion que sont internet et la télévision mobile.

Ce sont autant de développements que la commission des affaires culturelles a accompagnés chaque fois qu’elle en a eu l’occasion, notamment lors de l’examen des derniers projets de loi. Cela mérite d’être souligné !

De tels développements nécessitent des investissements lourds, dans un contexte économique aujourd’hui difficile. Toutes ces évolutions technologiques démultiplient les offres télévisuelles et remettent en cause l’univers concurrentiel des chaînes existantes, privées et publiques.

Ce paysage audiovisuel nouveau rend la réforme de l’audiovisuel public indispensable. Le groupe France Télévisions doit inventer un modèle de développement nouveau, que la Commission pour la nouvelle télévision publique, dont j’ai été membre, a appelé le « média global ». Il est appelé à se transformer en entreprise unique pour poursuivre sa modernisation, ce qui ne manquera pas d’accroître la rationalisation et la synergie des moyens, et sa transformation en véritable média global.

Avec ce nouveau modèle de développement, France Télévisions aura les moyens de répondre à ces enjeux de manière globale. L’audiovisuel public doit pouvoir proposer une offre déclinable sur l’ensemble des moyens de diffusion, et de ce fait enrichie et diversifiée. La transformation d’un ensemble de chaînes et d’entreprises en un média global aura pour conséquence de mettre au cœur de l’activité de ce dernier les contenus et de recentrer les chaînes sur leur rôle éditorial.

Il faut bien entendu donner au secteur de l’audiovisuel, qui ne dispose pas des moyens adaptés à de telles ambitions, les crédits budgétaires nécessaires à la mise en œuvre de ce nouveau modèle. Comme l’a souligné la commission présidée par M. Copé, ainsi que notre collègue Claude Belot dans son rapport spécial, si un tel développement permettra économies et rationalisation des moyens, il aura aussi un coût.

Telle est, en effet, la question principale : pour préserver un service public audiovisuel puissant, garant de la diversité et de l’expression démocratique, capable de s’adapter dans un paysage audiovisuel en mutation, il faut lui garantir un financement pérenne et dynamique.

C’est pourquoi je consacrerai les quelques minutes qui me sont imparties à cette question du financement de la télévision publique.

La mission « Médias » connaît une croissance importante, liée à la création du programme « Contribution au financement de l’audiovisuel public », qui alloue 473 millions d’euros à France Télévisions et Radio France.

Cette somme doit permettre de compenser le manque à gagner dû à la suppression progressive de la publicité sur les chaînes publiques à partir du 5 janvier prochain, ainsi que le prévoit le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public audiovisuel. Elle correspond à l’estimation faite par la commission pour la nouvelle télévision publique, la perte des ressources publicitaires pour les chaînes du service public s’élevant à 650 millions d’euros en année pleine.

Paradoxalement, il faut avoir conscience que la suppression de la publicité sur les chaînes du service public peut être une chance pour France Télévisions, et ce pour une double raison.

D’une part, le service public de l’audiovisuel échange ainsi une recette aléatoire et en perte de vitesse – la publicité – contre une recette fixée et garantie par l’État. Le marché publicitaire est en effet morose, pour ne pas dire dépressif, et les ressources publicitaires migrent aujourd’hui vers les nouveaux médias.

D’autre part, il échange une recette contraignante pour la programmation contre une recette qui la libère. Plutôt que de se soumettre aux annonceurs et à l’obsession de l’audience, France Télévisions pourra « oser » des programmes novateurs et ambitieux.

Pour ces deux raisons, il me semble que la réforme du financement, en libérant les chaînes du service public de la publicité, les obligera à renforcer leur identité et leur différence par rapport à aux chaînes privées, et, par là même, la légitimité du service public de l’audiovisuel. Son financement public en sera d’autant plus justifié aux yeux de nos concitoyens.

La condition, bien évidemment, est que l’État garantisse les ressources prévues dans le contrat d’objectifs et de moyens. L’autonomie financière sera d’ailleurs l’une des conditions requises pour garantir l’autonomie tout court du président de France Télévisions.

Tel sera l’objet des quelques réflexions que je ferai maintenant sur la redevance.

À cet égard, la mission « Médias » anticipe la réforme de l’audiovisuel public, en prévoyant l’indexation de la redevance sur l’inflation, mesure que la commission des affaires culturelles et le groupe de l’Union centriste, auquel j’appartiens, réclament depuis des années, à chaque examen du projet de loi de finances. Enfin !

Il aura fallu engager cette réforme supprimant la publicité pour voir une telle mesure acceptée par le Gouvernement. Le combat aura été long et difficile, mais nous y sommes arrivés ! Permettez-moi donc d’avoir, ce soir, une pensée pour nos anciens collègues Jacques Valade et Louis de Broissia, qui furent respectivement président de la commission des affaires culturelles et rapporteur pour avis de la mission « Médias ». (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.) Ils ne sont pas avec nous pour vivre ce moment, eux qui se sont battus inlassablement en faveur de cette réforme.

Pour en revenir à la redevance, il convient, dans le contexte de la réforme de l’audiovisuel, d’en faire une ressource dynamique et pérenne. Son indexation, prévue dans le projet de loi relatif à l’audiovisuel pour compenser le manque à gagner en ressources propres de France Télévisions, rapportera ainsi 50 millions d’euros supplémentaires.

L’année dernière, j’ai rappelé que la redevance s’élèverait cette année à environ 128 euros si elle avait suivi l’indice des prix depuis 2002, alors qu’elle est fixée à 116 euros.

Elle se justifie d’autant plus que son niveau, comparé à celui qui est constaté dans d’autres pays européens, est faible. Faute d’augmentation, même légère, de la redevance, il faut, outre l’indexation, mettre fin au plafonnement des remboursements des dégrèvements de redevance, qui revient à faire financer les exonérations pour motifs sociaux par le budget de l’audiovisuel public. Ce plafonnement est contraire au principe de remboursement intégral des exonérations inscrit, par la loi du 1er août 2000, à l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Le Gouvernement doit respecter cet engagement.

En outre, comme je l’ai soutenu à plusieurs reprises devant vous, notamment l’année dernière, il conviendrait d’élargir l’assiette de la redevance en taxant les nouveaux supports permettant la réception des programmes télévisés. C’est d’ailleurs ce qui se fait en Allemagne. Aujourd’hui, une instruction fiscale exonère les ordinateurs équipés en ce sens, alors qu’ils constituent un « dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour l’usage privatif », pour reprendre les termes de l’article 1605 du code général des impôts.

Un tel élargissement, conforme au principe de neutralité technologique, a été proposé voilà quelques jours à l’Assemblée nationale par notre collègue député Jean Dionis du Séjour. Bien encadré, ne visant, par exemple, que les abonnés à des offres « triple play » ayant déclaré ne pas payer la redevance audiovisuelle, il serait fiscalement juste et équitable.

Enfin, et nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer ce point au début de la discussion budgétaire, il nous semble anormal de faire financer l’extinction de la diffusion analogique par la redevance, comme le prévoit l’article 23 du projet de loi de finances pour 2009. Ces mesures d’accompagnement du passage au numérique supervisé par le groupement d’intérêt public « France Télé numérique » doivent être financées sur le budget de l’État. Aux yeux de la commission des affaires culturelles, qui s’est exprimée plusieurs fois sur ce sujet, ce n’est pas acceptable au moment où l’on cherche à clarifier les modalités du financement de l’audiovisuel public et à pérenniser ses ressources.

Au-delà de ces remarques, il faudra, me semble-t-il, réfléchir à une démarche pédagogique concernant la redevance. Si celle-ci n’a pas été augmentée depuis des années, c’est bien parce que sa mise en œuvre souffre d’un déficit d’explication, à la fois chez nos concitoyens et chez les parlementaires.

Il faut donc entreprendre une grande campagne de présentation de cette contribution, pour la faire accepter par nos concitoyens. Combien de Français aujourd’hui savent à quoi sert la redevance et ce qu’elle finance ? Combien d’entre eux peuvent dire combien ils payent à ce titre ? Cet effort pédagogique me semble absolument indispensable, et il sera encore plus efficace si nos concitoyens voient sur leurs écrans la différence entre le service public et les chaînes privées.

Nous aurons bien entendu l’occasion d’évoquer de nouveau et de façon beaucoup plus approfondie toutes ces questions lors de l’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public audiovisuel.

Madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais terminer mon propos en attirant votre attention sur un aspect souvent méconnu du secteur audiovisuel.

C’est une industrie considérable de création, qui crée de nombreuses richesses et de nombreux emplois, en faisant travailler en partenariat des producteurs, des auteurs, des créateurs, des techniciens, ainsi que des intermittents, autant de métiers artistiques qui la font vivre et qui en vivent. Notre pays peut s’enorgueillir de cette industrie culturelle. Ainsi, la moitié des films nommés aux César 2008 étaient coproduits par France 2 Cinéma et France 3 Cinéma. Il me semble important d’avoir cela à l’esprit, à la veille de l’examen d’une réforme profonde du paysage audiovisuel français.

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