Moralisation et finances publiques : le blues bien légitime des élus locaux.

Deux commissions mixtes paritaires (CMP), réunissant députés et sénateurs, se sont réunies mardi dernier pour examiner le projet de loi ordinaire et le projet de loi organique pour la confiance dans la vie politique. 

Aucun accord n’a pu être trouvé sur le projet de loi organique. Le Sénat s’oppose en effet à ce que les communes rurales soient pénalisées par la suppression de la réserve parlementaire exigée par le Gouvernement. Ce coup porté aux territoires ruraux s’ajoute aux récentes décisions relatives aux dotations des collectivités, à la suppression de la taxe d’habitation et à la réduction annoncée du nombre des élus locaux. 

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 En revanche, les députés et sénateurs sont bien parvenus à un accord sur le projet de loi ordinaire, retenant les propositions les plus ambitieuses du Sénat: création d’un registre des déports pour les membres du Gouvernement afin de prévenir les conflits d’intérêts, transparence accrue dans la prise en charge des frais de réception et de représentation des ministres, consécration législative du travail des collaborateurs parlementaires, contrôle des frais de mandat et attestation sur la situation fiscale des parlementaires, encadrement plus strict du financement des partis politiques et des campagnes électorales, etc. 

Détournement de l’argent public, prise illégale d’intérêts, fraude fiscale… Je suis la première à condamner très sévèrement les faits dont se sont rendus coupables quelques élus ces dernières années.

Une éthique irréprochable, plus de transparence : voilà ce que sont endroit d’attendre les Français de leurs élus, mais aussi de tous ceux qui gravitent dans la sphère publique. 

Sitôt les élections passées, c’est ce à quoi le nouveau gouvernement a voulu s’atteler en faisant rapidement voter quelques mesures emblématiques en faisant examiner dans l’urgence le projet de loi ordinaire et le projet de loi organique censés rétablir la confiance dans la vie politique. 

Comme il l’a démontré lors de l’examen de ces deux textes, le Sénat a fait sa part du travail, les principes fondamentaux portés par le gouvernement étant largement partagés par mes collègues et moi-même. 

Hélas! 

Une fois de plus, il faut bien le dire, on est passé à côté d’une réflexion en profondeur sur le sujet. Les conditions d’examen des deux textes (une seule lecture dans chaque chambre dans le cadre d’un calendrier restreint vu la suspension d’été des travaux parlementaires), dans un climat de suspicion généralisée à l’encontre des élus, n’auront pas été propices à l’élaboration d’une loi complète, pertinente et de qualité. 

On a voulu avant tout marquer les esprits avec quelques mesures symboliques plus ou moins bien ficelées, voire contestables telles que la suppression de la réserve parlementaire principalement destinée, en tout cas au Sénat, aux petites communes rurales, sans jamais traiter la question de fond qui est en réalité celle du statut de l’élu. 

Quelques voix se sont élevées, en vain. 

Réfléchir à un vrai statut de l’élu aurait pourtant permis d’étudier les conditions d’entrée et de sortie dans la fonction, les questions de formation, les modalités de rémunération (dont on s’apercevrait bien vite que les élus français locaux comme nationaux sont parmi les moins bien dotés en Europe). 

Légiférer enfin sur ce sujet aurait été une manière positive et complète d’aborder les questions de déontologie et de mieux faire connaître les exigences de la fonction. 

Cette démarche aurait surtout permis de sortir du populisme ambiant et de remettre du baume au cœur des ces milliers d’élus dévoués et sincères dans leur engagement et honnêtes dans la gestion des deniers publics. 

Aujourd’hui, ils doutent et éprouvent, il faut le dire, un ras le bol généralisé d’être sans cesse la cible de la défiance alors que les conditions d’exercice de leur mandat n’ont cessé de se dégrader. 

Des élus qui pour nombre d’entre eux sacrifient une bonne partie de leur vie professionnelle et privée pour un mandat, au service de l’interêt de leur territoire ou de leur collectivité. Je pense en particulier à la situation des nombreux élus ruraux qui, sans compter leur temps, leur énergie et pour de faibles indemnités, s’attachent à servir au quotidien leurs administrés. 

Dans un contexte de baisse continue des dotations aux collectivités et de transfert accru de charges, la tâche n’est pas aisée. 

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 Aussi l’annonce du Chef de l’Etat, le 17 juillet dernier lors de la Conférence des Territoires, appelant à « engager une réduction du nombre d’élus locaux » a été ressentie avec une grande incompréhension. 

L’Etat ne peut pas faire croire aux Français que des milliards d’économies vont être faits en réduisant le nombre des élus locaux et leurs indemnités: cela ne serait qu’illusion. 

Comment d’ailleurs penser que l’on peut renforcer la République et la démocratie locale en affaiblissant ses élus ? 

On rappellera que, depuis 2010, les collectivités territoriales ont été soumises à des modifications incessantes de leurs structures et de leurs compétences, empêchant les élus de se projeter. 

Elles ont également subi une réduction très importante des dotations versées par l’État, tout en devant supporter des transferts de coûts très significatifs, assumés ou cachés. La frénésie de normes nouvelles n’a par ailleurs pas cessé, malgré les moratoires et les promesses successives de vigilance ! Et les élus locaux ont pu constater, comme l’a souligné la Cour des comptes, que l’État est très loin d’avoir réalisé lui-même les économies qu’il avait imposées aux collectivités… 

Les récentes annonces qui vont de l’accroissement des efforts à réaliser, de la baisse de la DETR, de la suppression de la taxe d’habitation à celle de la réserve parlementaire ont fini de plomber le moral des élus. 

Aussi, j’estime plus que jamais nécessaire d’appeler à une vraie réflexion autour du statut de l’élu. 

En application de l’article 24 de la Constitution, le Sénat est l’institution qui représente les collectivités territoriales de la République. Il est donc de notre devoir, en tant que sénateurs, de porter au plus tôt au cette proposition d’un statut de l’élu. 

Le Sénat continuera à s’opposer aux raisonnements désincarnés et comptables qui ont conduit la République à négliger certaines parties du territoire national.

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