Non au test ADN pour les étrangers !

Lors de l’examen en première lecture par l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, un amendement très controversé déposé par Thierry Mariani, rapporteur sur ce projet, a été adopté. Cet amendement prévoit que le demandeur d’un visa peut solliciter, à ses frais, la comparaison de ses empreintes génétiques avec celles des enfants mineurs visés par la demande de regroupement familial. Cette disposition a été assortie de quelques conditions posées par le Gouvernement. Les défenseurs de l’amendement présentent ce recours au test ADN comme une liberté offerte aux étrangers voulant aller plus vite, comme un outil supplémentaire, facile et moderne, permettant de lutter contre la fraude et utilisé par nombre de nos voisins européens.

Ce n’est parce que certains pays la pratiqueraient que nous devons faire de même.

Ce n’est pas parce que c’est simple et moderne que nous devons adopter cette mesure. 

Ce n’est pas parce que c’est une faculté qui sera expérimentée pendant deux ans que nous devons nous abstenir d’en examiner maintenant les incidences.

Il s’agit de savoir si une telle mesure, quelles que soient les conditions qui l’encadrent, est, dans son principe, conforme à nos valeurs et à notre droit.

Le droit français ne réduit pas la famille à sa seule dimension biologique. Nous avons une vision plus large, plus humaine et plus respectueuse des liens affectifs qui se tissent entre les êtres puisqu’en droit français la filiation n’est pas biologique mais fondée sur la reconnaissance. Cette mesure remet donc en cause notre conception de la famille et crée une discrimination entre les familles françaises et les familles étrangères. Pourquoi exiger des familles étrangères des preuves qu’on ne demanderait pas aux familles françaises ? Cette mesure a un caractère discriminatoire qui ferait à terme de tout candidat à l’immigration un fraudeur virtuel. Elle ignore en outre les lois bioéthiques de 1994 qui circonscrivent le recours aux tests génétiques aux recherches scientifiques et à certaines procédures judiciaires sous le strict contrôle du juge, garant des libertés. La brèche ainsi ouverte, par voie d’amendement, dans un projet de loi sur l’immigration, sans consultation aucune notamment du comité national d’éthique, est contraire à la lettre et à l’esprit de notre droit.

Par ailleurs, a-t-on pensé aux enfants adoptés, au neveu orphelin qui est pris en charge par la famille ? A-t-on pensé à l’hypothèse où la mère ou le mari découvrirait que l’enfant n’est pas de lui et aux traumatismes que cela pourrait alors provoquer ? Quelle atteinte à la cellule familiale et à l’intimité des familles ! Serions-nous amenés à refuser le regroupement familial à des enfants, certes non biologiques, mais qui auraient toujours été considérés comme tels dans leur famille ?

Cette disposition, contraire au droit, piétine les valeurs que nous nous faisons de la République. Je m’insurge contre cette idée qui rabaisse les hommes, les femmes et les enfants à des marchandises, des chiffres, des matricules et qui s’apparente à du tatouage électronique. Au nom d’une certaine idée que j’ai de la République mais aussi de l’enfant, qui ne serait se résumer à un génome, je suis totalement hostile à cette mesure. J’ose espérer que le Sénat, qui avait joué un rôle majeur dans l’encadrement de la loi sur la bioéthique de 2004, saura, dans la sagesse et le recul qui le caractérisent, revenir sur cette disposition qui risque à défaut d’ouvrir une brèche dangereuse.

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