Proposition de loi visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories
Intervention de Catherine Morin-Desailly- Lundi 29 juin 2009
Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Monsieur le rapporteur, Chers collègues,
« L’expérience nous prouve malheureusement combien il faut de temps avant que nous considérions comme nos semblables les hommes qui différent de nous par leur aspect extérieur et par leurs coutumes. » C’est ainsi que s’exprimait Charles DARWIN en 1871 et malheureusement ce constat semble aujourd’hui toujours pertinent comme le prouve l’histoire de la restitution de la tête maorie détenue dans les réserves de la ville de Rouen à laquelle l’Etat s’est opposé. La proposition de loi, assez inhabituelle mais co-signée par une soixantaine de mes collègues, que j’ai souhaité vous soumettre, vise à permettre la restitution à leur pays d’origine de toutes les têtes maories qui sont actuellement détenues dans les collections des musées français. Membre du groupe d’amitié France-Nouvelle Zélande de notre Haute Assemblée, je me suis en effet passionnée pour l’histoire de ces têtes alors qu’adjointe à la culture du maire de Rouen Pierre ALBERTINI, je travaillais à la réouverture du Muséum d’histoire naturelle, le 2ème plus important en terme de richesses et de diversité des collections après celui de Paris, fermé pour des raisons de sécurité par l’équipe municipale précédente pendant près de 10 ans. Avec la nouvelle équipe scientifique recrutée pour mettre en œuvre le nouveau projet alors défini pour le muséum, nous avons en effet répondu à la demande de la Nouvelle-Zélande de lui restituer une tête humaine tatouée et momifiée conservée depuis 1875. Don ou dépôt, comme on voudra, d’un certain M. DROUET, pour on ne sait quel motif, elle dormait cachée depuis le 19ème siècle dans les réserves et collections non inventoriées du Muséum.
Si cette proposition de loi vise à répondre aux difficultés juridiques rencontrées par la ville de Rouen lorsqu’elle a décidé, en octobre 2007, de remettre aux autorités néo-zélandaises, après des échanges et une réflexion notamment avec l’équipe scientifique du Muséum, cette tête maorie, elle doit permettre surtout, si elle est adoptée, de mettre la France au diapason de très nombreux autres pays, en restituant finalement l’ensemble des têtes maories, évaluées entre 15 et 20, conservées dans nos musées : 7 à 8 au Quai Branly, 1 au Musée de la charité et 1 au Musée des Beaux Arts de Dunkerque, 4 dans des museums dont bien sûr celui de Rouen mais aussi à Lille, Lyon et Nantes, 1 au Museum de La Rochelle, dépôt des structures de la marine de Rochefort, et 2 à l’université de Montpellier.
Un petit retour en arrière est là essentiel pour comprendre cette affaire. Tous les maoris de haut rang, guerriers et chefs de tribus, étaient tatoués selon des motifs rappelant leur tribu. En effet, selon leurs traditions, la tête est considérée comme la partie sacrée du corps et le tatouage comme une véritable signature sociale et religieuse. Le peuple maori avait ainsi coutume de conserver les têtes tatouées des guerriers morts au combat, et de les exposer dans un endroit consacré à leur mémoire, où chacun pouvait les vénérer jusqu’au moment où ils estimaient que l’âme du défunt était partie. Les têtes étaient alors inhumées près du village. Au 18ème siècle lors de la colonisation de la Nouvelle-Zélande, les Européens se fascinent pour les têtes tatouées qu’ils qualifient d’objets de curiosité et de collection. Les musées et les collectionneurs privés lancent de véritables « chasseurs de tête » à la recherche des plus beaux spécimens. S’ensuit un véritable commerce barbare : pour répondre à la demande, on se met à tatouer des esclaves dont on tranche la tête. Ce n’est qu’en 1831 que le gouvernement britannique vote une loi interdisant le marché des têtes naturalisées entre la Nouvelle-Zélande et l’Australie. L’Amiral CECILLE dont la flotte était implantée dans le Pacifique a dénoncé le trafic des têtes maories aboutissant à une véritable marchandisation du corps humain. Dans un rapport adressé au Ministre de la Marine en 1840, il écrivait : « on a vu les têtes zélandaises devenir un objet lucratif d’exportation. Tous les moyens ont été bons pour s’en procurer et des guerres ont été suscitées entre les tribus pour faire baisser le prix de cette marchandise recherchée par les naturalistes. On a vu des individus presser des chefs et leur assurer des présents pour se faire livrer la tête remarquablement tatouée de quelque esclave. »
Le regard que portent les néo-zélandais aujourd’hui sur ces têtes est bien différent du nôtre ; pour eux ce sont les restes de leurs ancêtres, des éléments du corps humains, d’où leur demande de restitution, alors que les occidentaux les considèrent comme des objets d’art ou de collection. « Enlevez à des sauvages les os de leurs pères, vous leur enlevez leur histoire, leurs lois, et jusqu’à leurs dieux ; vous ravissez à ces hommes, parmi les générations futures, la preuve de leur existence comme celle de leur néant ». Cette citation de CHAUTEAUBRIAND extraite des Mémoires d’outre-tombe exprime combien pour se construire, pour se forger une identité les peuples ont besoin de leurs ancêtres, de les connaitre…Comme l’a écrit Jean-Yves MARIN, directeur du Musée de Normandie que nous avons auditionné, « un peuple sans histoire ne peut se renouveler et est condamné à disparaitre ». D’ailleurs, que dirions-nous si les têtes de nos propres ancêtres, de nos arrières-arrières-grands-parents étaient remisées dans les réserves de musées néo-zélandais ou dans tout autre pays et que l’on refusait de nous les restituer ?
A la demande de la Nouvelle Zélande, les têtes ont été retirées des expositions au public depuis 20 ans environ. Elles se trouvent aujourd’hui dans les réserves des musées occidentaux parfois conservées dans des conditions laissant à désirer. C’est vrai d’ailleurs de nombre de restes humains en général comme l’a établi l’enquête réalisée par Laure CADOT et Hélène GUICHARD pour le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (CRRMF). Depuis, les autorités néo-zélandaises et australiennes ont lancé une campagne de revendication de ces têtes afin de pouvoir les inhumer dans le respect des traditions et rites funéraires de ce peuple autochtone comptant aujourd’hui 600 000 personnes. En effet, le but de ces rapatriements n’est pas un transfert d’une étagère de musée à un autre, en l’occurrence celui de Te Papa à Wellington, mais de retourner ces têtes à leur communauté d’origine. La restitution donne lieu à de véritables cérémonies, ainsi que me l’ont rapporté des témoignages datant pour certains d’il y a à peine quelques jours, cérémonies qui sont lancées dès le pays de départ des restes humains. Ainsi, les maoris se sont déplacés jusqu’à Rouen pour venir honorer la tête de leur ancêtre et lui rendre hommage. La manifestation que nous avons organisée alors à l’hôtel de Ville fut, de l’avis de tous les participants, très émouvante.
La question qui se pose alors est de savoir si juridiquement ces têtes sont des objets d’arts, de collections ou des restes humains. En effet, de cette question relative à leur statut juridique dépend un régime différent. Un objet patrimonial obéit en droit français au principe d’inaliénabilité, ce qui interdit toute restitution en dehors d’une procédure préalable de déclassement. Ce régime s’applique aux pièces détenues dans les collections publiques. Au contraire, un reste humain, en application de l’article 16-1 du code civil, ne peut faire l’objet d’un droit patrimonial. Dés lors, il n’entre pas dans la catégorie des biens culturels. Eléments du corps humain, indéniablement, ces têtes tatouées et momifiées, issues d’un trafic barbare durant la période de colonisation, ne peuvent se voir appliquer ce principe d’inaliénabilité. Pour nous, à Rouen, la tête maorie n’était ni propriété de l’Etat, ni celle du Museum. Elle ne figurait d’ailleurs dans aucun inventaire, ce qui rendait le déclassement impossible.
En décidant par un vote à l’unanimité en conseil municipal de remettre aux autorités néo-zélandaises cette tête, nous avons voulu nous inscrire dans une démarche éthique, faisant du Muséum de la ville un museum durable et responsable en ce début de 21ème siècle, par un acte symbolique exprimant le respect des peuples et de leurs croyances. Ne doit-on pas considérer en effet que ces têtes sont partie intégrante non de la Nation mais du patrimoine de l’Humanité, tel que défendu par l’UNESCO, comme un acquis irréductible de notre diversité ?
Cependant, sur intervention de l’Etat, la délibération du conseil municipal a été annulée par le juge administratif au motif que la procédure de déclassement préalable prévue par le code du patrimoine n’a pas été mise en œuvre et que l’article 16-1 du code civil sur lequel nous nous étions fondés était inapplicable en l’espèce. Je doute fort au passage que si la commission compétente pour le déclassement, alors exclusivement composée de conservateurs, avait été réunie, elle eût donné son accord. Cet évènement a donné lieu en février 2008 à un colloque international au Musée du Quai Branly portant sur la conservation, l’exposition et la restitution des restes humains, colloque au cours duquel je suis d’ailleurs intervenue afin de témoigner de l’histoire de la tête maorie de Rouen. Ce jour-là, le Commissaire au gouvernement présent m’a signalé que la Cour d’appel de Douai avait statué dans le sens de la non applicabilité de l’article 16-1 mais aurait pu tout aussi bien faire le contraire, tant le statut juridique des restes humains demeure flou aujourd’hui : objets de collections et application de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France avec procédure de déclassement, ou restes humains et application de l’article 16-1 du code civil qui résulte de la loi du 29 juillet 1994 sur la bioéthique que le Gouvernement souhaitait d’ailleurs appliquer dans le cas de la Vénus Hottentote ?
Ce débat juridique suscité par la décision de la ville de Rouen s’est en effet posé dans des termes quasi identiques à ceux soulevés lors de la restitution par la France à l’Afrique du Sud de la dépouille mortelle de Sarah BAARTMAN, conservée dans les collections du Musée de l’Homme. Notre collègue, Nicolas ABOUT, était intervenu en faisant alors voter une loi permettant de sortir la Vénus Hottentote des collections publiques. A l’époque, on s’est même interrogé sur l’utilité d’une loi : le Gouvernement considérait alors que le cas de la Venus Hottentote relevait de l’application de l’article 16-1 du code civil, application qu’il conteste aujourd’hui pour les têtes maories.
L’actualité nous rattrape maintenant avec l’annulation de l’exposition contestée « Our body » par la Cour d’appel de Paris. Celle-ci s’est précisément appuyée sur l’article 16-1-1 du code civil introduit en décembre 2008 et dont les dispositions sont d’ordre public, qui dispose que « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort ; que les restes des personnes décédées (…), doivent être traités avec respect, dignité et décence ». La Cour rappelle, pour fonder sa décision, que la protection due aux corps humains vivants et aux dépouilles mortelles prévue par le législateur a « un caractère inviolable et digne d’un respect absolu, conformément à un principe fondamental de toute société humaine. » Cette décision fortement médiatisée a permis de prendre mieux conscience des problèmes éthiques posés par l’exposition et l’utilisation des corps humains. La question de l’applicabilité de l’article 16-1 demeure donc.
Il apparaît clairement que les restes humains occupent une position charnière sur le plan juridique et que la loi bioéthique de 1994 protège davantage le vivant vis-à-vis notamment du trafic d’organes et des risques en matière d’études génétiques. C’est en tout cas ce que laisse entendre l’interprétation du juge en l’espèce. Faut-il pour autant lui laisser à l’avenir la charge de décider ou non au cas par cas de l’application de ces dispositions. Là se trouve une vraie question, Monsieur le Ministre, mes chers collègues, à laquelle, au-delà de cette proposition de loi, il conviendra de répondre. Considérant l’incertitude dans laquelle nous nous trouvons et la situation de blocage en l’espèce, j’ai choisi de déposer cette proposition de loi. Si nous l’adoptons aujourd’hui, ce que j’espère vivement, elle permettra de régler le cas des têtes maories. Je suis consciente que la loi n’est pas l’outil le plus approprié pour régler la question et j’aurais préféré ne pas y avoir recours, mais elle reste la seule solution face à l’impasse dans laquelle nous nous trouvons et à l’imbroglio juridique en résultant. J’ai constaté en effet que si la loi de 2002 invite les responsables des musées à définir des critères pour encadrer d’éventuels déclassements d’œuvres des collections publiques dans le cadre d’une procédure spécifique et après avis conforme de la commission nationale scientifique, elle n’a pu à ce jour être pleinement mise en œuvre. Ces critères, qui permettraient justement de préciser les conditions dans lesquelles le principe d’aliénabilité pourrait ne pas s’appliquer, n’ont toujours pas été définis plus de 7 ans après son adoption ! Par ailleurs, en vertu de la loi de 2002, les biens incorporés dans les collections publiques par dons et par legs, tels que la tête maorie de la ville de Rouen et de nombreuses autres têtes en France, ne peuvent faire l’objet d’aucun déclassement, contrairement à ce qui a été soutenu.
Consciente de l’importance et de la difficulté de la question, qui ne peut être un prétexte pour ouvrir la boite de Pandore comme on l’a trop entendu dire, j’ai souhaité m’inspirer pour cadrer la présente proposition de loi de quatre critères retenus par la Ville de Rouen pour motiver sa décision de restitution de la tête maorie :
-le premier est que le pays d’origine d’un peuple contemporain ait formulé la demande de restitution ;
– le second critère est que ce reste humain ne fasse pas l’objet de recherches scientifiques ;
– le troisième est qu’il ne soit pas destiné à être exposé ni conservé dans des réserves dans le pays d’origine mais qu’il soit inhumé ;
– et enfin le dernier critère est que le reste soit issu d’actes de barbarie ayant entraîné la mort ou de pratiques attentatoires à la dignité humaine ; on sait en effet que toutes ces têtes ne sont pas forcément des têtes d’esclaves mais aussi des têtes de chefs guerriers. Il n’en reste pas moins qu’elles ont été volées comme trophées à une époque où les musées occidentaux étaient largement prédateurs.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait que la France a ratifié la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones de septembre 2007 qui, dans les articles 11 et 12, enjoint les Etats à accorder réparation aux peuples autochtones et dispose que « les Etats veillent à permettre l’accès aux objets de culte et aux restes humains en leur possession et / ou leur rapatriement, par le biais de mécanismes justes, transparents et efficaces mis au point en concertation avec les peuples autochtones concernés ». Le geste de rendre aujourd’hui les têtes maories s’inscrit pleinement dans le cadre de cette déclaration. Par ailleurs, le code de déontologie de l’ICOM, qui est l’aboutissement de 6 années de révision, et qui a été formellement approuvé lors de la 21ème assemblée générale à Séoul en octobre 2004 a largement abordé cette question de ce qui est encore pudiquement appelé « matériel culturel sensible ».
Pour autant, Monsieur le Ministre, mes chers collègues, je souhaite vivement que cette proposition de loi contribue, comme l’avait alors voulu mes collègues Nicolas ABOUT et Philippe RICHERT lors de la proposition de restitution de la Vénus Hottentote à l’Afrique du Sud, à une réflexion plus globale sur la conservation des restes humains dans les musées. Contrairement à d’autres pays voisins, la France accuse un grand retard sur ces questions. Ossements, préparations anatomiques, momies, reliques diverses : la variété et la quantité des restes humains dans les musées et autres laboratoires sont grandes. La spécificité de ces collections soulève aujourd’hui quoiqu’on en pense de nombreuses questions éthiques quant à leur patrimonialisation. Nos collègues Philippe NACHBAR et Philippe RICHERT ont d’ailleurs rendu un rapport en juillet 2003 sur les collections des musées dans lequel ils évoquaient déjà la question des réserves et de leur gestion mais aussi les restes humains détenus dans les collections notamment au Musée de l’homme au sujet desquels ils avaient constaté un état d’empoussièrage préoccupant. Sans ce travail préalable indispensable, nous serons toujours contraints de procéder au coup par coup ce qui n’est guère satisfaisant. Cette affaire a de nouveau mis en lumière les dysfonctionnements administratifs, le problème de la gestion des collections muséales et les contradictions de la législation française qui mérite d’être clarifiée une fois pour toutes. Jacques RIGAUD, auquel la précédente Ministre de la culture a confié une mission, a noté lui-même « l’inertie manifeste de l’institution muséale ». Les responsables de musées ont trop longtemps esquivé ce débat, faisant même preuve d’un certain malaise sur un sujet dont ils ne savent comment s’emparer.
Cette affaire a révélé également un certain conservatisme de scientifiques qui, enfoncés dans leur logique et regard d’occidentaux, ont du mal à accepter une autre vision du monde. Le rapporteur, et je partage pleinement ses préconisations, a d’ailleurs enrichi la proposition de loi de plusieurs articles visant notamment à élargir la composition de la commission de déclassement afin qu’elle comporte, au-delà des professionnels de la conservation des biens, des personnalités qualifiées (scientifiques, philosophes, anthropologues…). Car si la valeur scientifique des restes humains se présente comme une évidence pour les conservateurs, on ne peut mettre de côté la valeur symbolique et même sacrée qu’ils incarnent pour les communautés ou les peuples auxquels ils peuvent être rattachés. Aussi faut-il réfléchir au sens que l’on donne aux collections, la science ne pouvant se passer d’une réflexion éthique au sens premier du terme, ce qui n’a rien à voir avec la religion. C’est un véritable chantier qu’il nous faut ouvrir, sans tabou.
Bien entendu, il ne s’agit ici nullement de limiter ou de remettre en cause le principe d’inaliénabilité des collections publiques auquel je suis extrêmement attachée. C’est d’ailleurs l’intérêt des critères que j’ai évoqués précédemment mais aussi du régime spécifique prévu par la loi de 2002 que notre collègue rapporteur propose de renforcer à cette occasion. L’ethno-anthropologue, spécialiste de l’Océanie que nous avons auditionné, Maurice GODELIER, partage cette position, considérant que si les restes humains ne sont pas des objets de collection comme les autres et doivent être restitués, ces rapatriements doivent être encadrés afin de garder des traces de ces pièces dans les musées français par numérisation par exemple. La ville de Rouen a d’ores et déjà réfléchi à la façon dont l’histoire de cette tête pourrait être racontée, car il ne s’agit pas de cacher cet épisode de l’histoire du Muséum ni d’avoir un « trou » dans la mémoire du Muséum mais au contraire de le valoriser. Ainsi le directeur Sébastien MINCHIN a-t-il engagé un travail de numérisation de la tête et toute une démarche pédagogique à destination des visiteurs.
Quelque soit le moyen par lequel nous procédons pour restituer les têtes maories, je suis persuadée que tous ici sur les bancs de cet hémicycle partageons cet objectif légitime de restituer à leur peuple d’origine des têtes, partie du corps humain probablement la plus caractéristique de la nature humaine, en tout cas partie la plus sacrée pour les maoris, afin d’être dignement inhumées. La grande majorité des personnes auditionnées défendent également cette position et ont reconnu le bien-fondé de cet acte. A l’époque, Valérie PECRESSE, Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, avait émis un avis favorable à cette démarche, tout comme la Fondation Nicolas HULOT. Le paléoanthropologue Pascal PICQ avait d’ailleurs dès le début pris la tête du comité de soutien alors mis en place, rejoint par le généticien Axel KAHN, le philosophe Edgar MORIN et bien d’autres.
La culture ne peut se passer de la transparence, de la vérité et doit répondre à une éthique irréprochable. On ne peut, sous son couvert, porter atteinte au droit des peuples et la France, pays des droits des l’homme, se doit d’être exemplaire. De nombreux pays ont déjà remis des têtes, des musées américains, européens ont répondu favorablement aux demandes de restitution : la Suisse, l’Angleterre, le Danemark, les Pays Bas, l’Allemagne, mais aussi des pays comme l’Argentine, l’Australie. Au total, près de 322 restes humains maoris sur les 500 estimés ont déjà été transférés à la Nouvelle-Zélande. La France fait aujourd’hui exception dans ce mouvement général en raison de la question du statut juridique que j’ai évoquée précédemment, finalement davantage une question de forme que de fond. Notre pays, Monsieur le Ministre, mes chers collègues, ne peut rester en retrait sur ce sujet par rapport à ses voisins notamment européens. Un tel geste favorise en outre un travail de mémoire et de cicatrisation, permet de tourner une page de l’histoire française peu glorieuse et d’entamer de nouvelles relations avec la Nouvelle-Zélande. Au-delà des considérations juridiques, l’impératif éthique doit prévaloir me semble-t-il. Cette restitution ou plutôt cette renonciation à détenir dans nos collections ces têtes constituera en outre un nouveau départ dans nos relations avec les pays lointains dans le cadre d’un dialogue interculturel renouvelé. Car il ne saurait s’agir en effet de rendre pour rendre. Le dialogue et l’harmonie entre les peuples impliquent d’entrer en contact avec la civilisation de l’Autre, avec un grand A, et réciproquement. Aussi, face à ce profond désir de restitution manifesté par la Nouvelle Zélande, pays démocratique qui travaille précisément aujourd’hui à l’intégration de toutes ses communautés, la France doit apporter une réponse positive.
En conclusion, je voudrais remercier vous remercier, chers collègues qui avez co-signé cette proposition de loi et accompagné la démarche, ainsi que vous, Monsieur le président de la commission des affaires culturelles, qui m’avait apporté votre soutien, et bien sûr notre rapporteur, Philippe RICHERT, qui a réalisé un travail approfondi sur la question et avec lequel j’échange sur ce sujet si sensible depuis des mois.
Je vous remercie tous de votre attention sur un sujet qui, vous l’aurez compris, me tient particulièrement à cœur.