Protocole de Londres

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Mardi soir, était discuté au Sénat le Protocole de Londres, qui fait l’objet d’une intense controverse. L’accord de Londres vise à faciliter les dépôts de brevets et sa ratification doit contribuer à la création d’un environnement favorable à la recherche, à l’innovation et au développement des PME.
Mais le débat porte aussi sur l’enjeu linguistique, qui a été particulièrement discuté en commission des affaires culturelles dont je fais partie. Au sein de cette commission, nous sommes, en effet, particulièrement sensibilisés à la défense de la langue française et de la francophonie.
Les enjeux juridiques, industriels et technologiques sont évidents pour nos PME et nos organismes de recherche puisque le Protocole de Londres simplifie les procédures et réduit le coût des brevets.
Il faut, en effet, être pragmatique et admettre que dans des économies dont la compétitivité repose sur le degré de développement des connaissances, nous devons faciliter et favoriser les processus d’innovation. L’accord de Londres en est un des facteurs. Mais il faut développer parallèlement dans notre pays une « culture du brevet », car nous constatons aujourd’hui le déficit de dépôt de brevet par la France. Une PME française sur quatre dépose un brevet contre une PME sur deux aux Etats-Unis et 55% au Japon. Cela passe bien entendu par la poursuite des efforts de notre pays pour investir dans la recherche et développement. Mais, il faut aussi sensibiliser les chercheurs et les ingénieurs aux questions de propriété intellectuelle.
S’agissant de l’enjeu linguistique, l’accord de Londres suscite une mobilisation active des défenseurs de la langue française et de la francophonie. Ils estiment, en effet, que l’accord de Londres conduit inexorablement à la disparition de la langue française comme langue scientifique et technique parce qu’il n’obligera plus à la traduction intégrale en langue française des brevets.
Je crois, au contraire, que l’accord de Londres non seulement maintient la position privilégiée de notre langue – puisqu’il entérine son statut de langue officielle de l’Office européen des brevets avec l’anglais et l’allemand – mais la renforce puisque tout brevet européen délivré en français sera validé dans les grands pays européens, notamment l’Allemagne et le Royaume-Uni, sans obligation de traduction intégrale. Le texte français d’un brevet européen aura donc force de loi dans ces pays. C’est un atout indéniable.
En maintenant ce statut privilégié, le Protocole de Londres est, à mon sens, le meilleur rempart contre le « tout-anglais ». Dans l’hypothèse où la France ne ratifiait pas le Protocole dont elle est à l’initiative, le risque est grand de voir nos partenaires européens qui l’ont déjà ratifié se mettre d’accord sur un régime moins favorable au français. Lors des travaux préparatoires à l’Accord de Londres, les projets présentés par la Suisse et la Suède appuyés par l’Allemagne préconisaient de ne conserver que l’anglais comme langue officielle. En outre, le rejet de cet accord par la France donnerait sur le plan diplomatique un signe négatif et inciterait nos partenaires à trouver un accord sans la France et sans la langue française. J’ajoute enfin que si l’Espagne et l’Italie refusent de ratifier le Protocole de Londres, ce n’est pas par hasard mais parce qu’ils envient le statut privilégié de notre langue au sein de l’Office européen des brevets.
Plus fondamentalement, je ne suis pas sûre que la défense de la langue française et la francophonie passent uniquement par le rejet du Protocole de Londres. Je comprends que certains, constatant la place du français décliner de jour en jour à travers le monde, voient dans ce texte un nouveau recul de notre langue sur la scène internationale. Celui-ci n’est pas contestable mais ne nous trompons pas de combat.
Défendre le français et la francophonie passe par une politique beaucoup plus ambitieuse et volontariste de notre pays favorisant la présence de notre culture à l’étranger. Il faut parallèlement à la ratification du Protocole de Londres poursuivre le combat pour la diversité linguistique, notamment en défendant la place du français dans les organisations internationales et européennes.
Je crois, en effet, que nous défendrons bien plus efficacement la place du français dans le monde en soutenant et développant le rôle des lycées français à l’étranger, les activités de l’Alliance française, en renforçant les services culturels de nos ambassades particulièrement dans les pays émergents, en s’aidant du moyen qu’est la télévision numérique ou encore en facilitant l’accueil des étudiants étrangers dans nos grandes écoles et nos universités. Ce n’est pas un hasard si le français décline au moment où nous avons plutôt tendance ces dernières années à restreindre la venue d’étudiants étrangers et à réduire les moyens de nos ambassades. Le français gardera sa place  dans le monde si nous favorisons son apprentissage et sa pratique par un maximum d’étrangers. Ce n’est qu’à cette condition que nous assurerons le rayonnement de notre langue dans le monde. Le débat sur la ratification de l’accord de Londres doit être l’occasion de cette prise de conscience.

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