Séminaire gouvernemental sur le numérique

Annoncé depuis plusieurs mois comme étant « le » grand rendez-vous permettant de lever le voile sur la feuille de route du gouvernement s’agissant de la question transversale qu’est la société numérique, le séminaire gouvernemental sur le numérique qui s’est tenu hier s’est révélé un peu décevant.
Citons les propos pleins d’ambition de notre Président de la République : « L’infrastructure ne suffit pas », avait-il affirmé le 20 février dernier. De fait, en amont de ce séminaire, tous les ministères avaient été invités il y a quelques mois à préparer une feuille de route en prévision de cette rencontre. Ce jeudi 28 février, chacun était présent pour la photo autour du Premier Ministre. Tout était parfait. Dès lors, on pouvait s’attendre à un ensemble structuré, couvrant les principaux domaines de compétences de l’Etat.

Mais il semblerait que l’exercice a visiblement été difficile à réaliser. Il ne suffit pas de déclarer combien le numérique est un sujet primordial. En mesurer les nombreux enjeux économiques, juridiques et géostratégiques, puis en tirer toutes les conséquences en pratique étaient des conditions sine qua non pour juger de la réussite de ce séminaire.

Si l’organisation d’un séminaire est tout a fait adéquat, on ne pourra pas s’en contenter. En effet, comment Monsieur Ayrault peut-il croire, ou faire croire, que des avancées utiles peuvent être décidées sans concertation avec nos partenaires européens ? La France ne pourra pas peser dans ce nouvel écosystème seule, sans que nos partenaires européens ne soient intégrés dans le processus de réflexion. C’est à l’échelon européen que la question de la gouvernance du numérique doit se poser.

On ne peut se contenter d’une vision « à la petite semaine. La création d’un ministère sous tutelle de Matignon aurait été un marqueur fort de la conscience des pouvoirs publics de la « transversalité » du défi numérique. On a préféré créé un portefeuille isolé, un dossier parmi les autres, alors qu’il touche à tous les secteurs: éducation, santé, énergie, défense, culture, …

Le premier est celui de la jeunesse – principalement en matière d’éducation et de formation. Je ne peux que m’en féliciter, ayant initié en 2010 la modification de l’article L. 312-9 du code de l’éducation en vue de la sensibilisation des élèves aux enjeux du numérique et de la protection de la vie privée sur Internet. En effet, la sensibilisation des citoyens, et notamment des plus jeunes d’entre eux, à l’usage des nouvelles technologies permettra à ceux-ci de se saisir pleinement des enjeux relatifs à cette société numérique, au visage tant fascinant que bien des fois inquiétant.

Le deuxième pilier a trait aux entreprises, avec le lancement du très haut débit et de nouvelles dispositions de renforcement de la filière et des usages du numérique. Sur ce point, je ne peux qu’espérer que l’accès au haut-débit soit enfin permis sur l’ensemble de notre territoire, impliquant que les voeux ne restent pas pieux et que l’obligation de moyens soit respectée. L’aménagement numérique de notre pays est un défi majeur que le Sénat n’entend pas laisser tomber dans les limbes de l’action publique. Enfin, le troisième pilier touche aussi bien à la fiscalité qu’à la protection des données personnelles. Ce dernier sujet est fondamental, certes, mais annoncer la création d’une loi française comme l’a fait le Premier Ministre reste que de l’habillage politique quand on sait que Bruxelles a déjà annoncé un règlement sur cette question. Un règlement qui sera donc d’application immédiate en droit positif interne, sans que la bonne volonté du gouvernement n’ait de toute manière à se manifester… Raisonner au niveau national n’est résolument plus d’actualité. Plus encore quant il s’agit de numérique.L’organisation de ce séminaire n’est pas, en soi, un mauvais point, mais ne saurait être suffisant compte tenu de l’ampleur du phénomène, soit un bouleversement comparable à celui qu’a été jadis l’imprimerie. C’est ce bouleversement irrépressible que les pouvoirs publics doivent enfin accompagner, et ce de manière convaincue et déterminée. 

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