Stratégie UE numérique

Aujourd’hui, j’ai exposé à mes collègues de la commission des affaires européennes un projet d’avis politique, suite à mon rapport paru en février dernier « L’Union européenne, colonie du monde numérique ? », visant à attirer l’attention de la commission sur l’enjeu stratégique que recouvre le numérique. 

Le président Barroso ayant invité les parlements nationaux à réagir au contenu des textes publiés par la Commission, j’ai voulu appuyer les points les plus importants de mon rapport. J’ai estimé que cette initiative tombait à point puisque le Conseil européen d’octobre prochain a prévu de parler de stratégie numérique.

Selon moi, le numérique est non seulement un gisement de croissance, mais il représente un véritable enjeu de civilisation pour l’UE. Il importe de ce fait que l’UE prenne sa juste place dans l’univers numérique.

Cela se décline pour moi en trois actions que je distingue en italique dans le texte qui vous est soumis:

-faire de la souveraineté numérique un objectif politique pour l’UE;

-miser sur l’unité européenne pour peser dans le cyberespace ;

-et faire de l’UE une opportunité pour favoriser la numérisation de l’Europe.

A ma grande satisfaction, mon projet d’avis politique a été voté à l’unanimité.

Retrouvez ce texte dans son intégralité ci-après:

PROJET D’AVIS POLITIQUE

L’UNION EUROPÉENNE :COLONIE DU MONDE NUMÉRIQUE ?

Vu la communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions du 26 août 2010 «Une stratégie numérique pour l’Europe» (COM(2010) 245 final),

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 18 décembre 2012, « Une stratégie numérique pour l’Europe : faire du numérique un moteur de la croissance européenne » (COM(2012) 784 final),

La commission des affaires européennes du Sénat : 

Fait valoir que la Commission européenne a bien identifié le numérique comme gisement de croissance pour l’UE et recensé 100 actions-clés composant l’agenda numérique et destinées à approfondir prioritairement le marché unique autour des usages du numérique ;

Regrette que cet agenda n’exprime pas une vision politique de la place que l’UE devrait occuper dans le monde numérique et n’ambitionne pas de faire de l’UE, non seulement une consommatrice d’équipements asiatiques ou de contenus américains, mais aussi une productrice sur ce marché unique numérique, condition indispensable au maintien pérenne de la valeur ajoutée et des emplois sur le continent européen ;

Fait observer que le numérique défie la « vieille Europe » aux plans économique, en bouleversant les modèles d’affaires existant dans diverses industries, fiscal, en exploitant la concurrence fiscale interne à l’UE et en mettant à profit le découplage entre lieu d’établissement et lieu de consommation, ou encore juridique, puisque les acteurs dominants des services en ligne ne relèvent pas des juridictions européennes ;

Attire l’attention de la Commission européenne sur les enjeux à long terme de la faible présence de l’UE sur le web : d’une part, la souveraineté de l’UE sur les données qu’elle produit en ligne est menacée et cette menace s’accroît avec le développement des services en nuage et celui de l’internet des objets qui va multiplier les données ; d’autre part, la survie de l’identité européenne dans le monde numérique est en jeu, ce qui appelle à trouver des solutions innovantes pour rémunérer justement la création culturelle en ligne et préserver la diversité culturelle de la concentration résultant des effets de réseau sur Internet ;

Concernant la souveraineté numérique de l’Union européenne : 

Propose la création d’une formation du Conseil de l’UE proprement dédiée aux questions numériques ainsi que d’une enceinte consultative issue de la société civile, afin d’éclairer l’exécutif européen et fédérer l’écosystème numérique européen ;

Appelle à une meilleure intégration des différentes politiques européennes concernées au service de l’ambition de souveraineté numérique de l’Union européenne, et notamment à une meilleure prise en compte par la politique de concurrence d’autres objectifs tout aussi légitimes que l’optimisation du bénéfice du consommateur ;

Demande à la Commission d’envisager d’imposer des obligations d’équité et de non-discrimination à certains acteurs de l’internet, devenus « facilités essentielles » parce qu’ils ont acquis une position dominante durable et que certaines activités économiques deviennent impossibles sans recourir à eux ;

Invite la Commission européenne à prévoir un mécanisme accéléré de règlement des différends pour s’assurer de manière indépendante du respect des engagements pris par les sociétés ayant transigé avec la DG Concurrence ;

Suggère de mobiliser également les autorités européennes de concurrence sur la préservation de la neutralité des terminaux permettant la connexion à l’internet ; estime que la politique de concurrence ne doit pas faire obstacle à l’émergence de « champions européens » dans le domaine du numérique ;

Insiste sur la nécessité de sécuriser nos réseaux numériques en développant les capacités de cyber défense des États membres et en renforçant les obligations des opérateurs d’importance vitale en matière de sécurisation informatique ;

Propose, au nom de la sécurité, de conditionner dans l’Union européenne l’achat d’équipements hautement stratégiques, comme les routeurs de cœur de réseaux, à leur labellisation par une autorité publique de sécurité, afin de se prémunir contre l’espionnage par les pays fournisseurs, et d’inclure dans le périmètre des marchés de sécurité l’achat d’équipements numériques hautement stratégiques, afin d’appliquer en ce domaine la préférence communautaire déjà implicitement reconnue par les règles européennes pour les marchés de défense et de sécurité ;

Concernant la place de l’Union européenne dans le cyberespace :

Appelle l’Union européenne à renforcer sa présence dans les instances mondiales de gouvernance de l’internet ainsi que dans les instances de normalisation, pour y défendre notamment  les intérêts de son industrie ;

Considère que la solidarité des États membres doit être renforcée, dans le cadre de la lutte contre l’évasion fiscale des acteurs numériques, par le respect du calendrier prévu pour reterritorialiser la perception de la TVA sur le lieu de consommation des services en ligne, par une pression exercée sur les États membres aux pratiques fiscales dommageables  et enfin par une mobilisation dans les instances internationales en vue d’imposer les multinationales de l’économie numérique en proportion de leur activité sur le territoire où résident leurs utilisateurs ;

Invite la Commission européenne à proposer la création d’un impôt numérique européen destiné à contribuer au financement des réseaux de nouvelle génération et à celui de la création, impôt sans lequel la soutenabilité du modèle économique et social européen serait largement compromise ;

Souhaite que l’Union européenne promeuve la protection des données, en interdisant notamment le transfert de données hors de l’Union européenne, sur requête d’une autorité d’un pays tiers, sauf autorisation expresse, et en négociant un accord avec les États-Unis conforme à la Charte européenne des droits fondamentaux ;

Encourage la création, à l’échelon de l’Union européenne, d’un droit de recours collectif de consommateurs contre les conditions générales d’utilisation de certains services en ligne ;

Concernant l’opportunité que peut représenter l’Union européenne pour la numérisation de l’économie européenne :

Appelle l’Union européenne à développer des opportunités de marché à ses entreprises du numérique en améliorant la loyauté de la concurrence mondiale d’une part, qu’il s’agisse d’aides d’État ou d’ouverture des marchés publics, et en usant du levier de l’achat public d’autre part ;

Incite l’Union européenne à soutenir la mutation de ses entreprises vers le numérique en adaptant les programmes européens d’aide à la recherche pour mieux prendre en compte une nouvelle conception de l’innovation, en encourageant le capital-risque européen, en facilitant l’introduction en bourse des start up pour éviter leur rachat ainsi qu’en utilisant les fonds structurels européens pour aider les petites entreprises à créer leur site internet ;

Encourage l’UE à défendre les droits d’auteurs et à les adapter à l’ère numérique pour assurer le développement durable de la diversité culturelle européenne en ligne, et à poursuivre notamment l’expérimentation menée en matière de chronologie des médias ;

Invite la Commission européenne à proposer l’application, au livre et à la presse en ligne, d’un taux de TVA au moins aussi bas que celui appliqué à ces biens culturels dans le monde physique ;

Souhaite que le budget européen soutienne l’industrie du jeu vidéo, nouvelle modalité de création culturelle, et accompagne la transition vers le numérique des acteurs culturels en place, tels que les acteurs audiovisuels détenant une marque puissante.

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